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Audrey Richard, DRH d’Up et présidente de l’ANDRH : « 95 % des organisations ont eu recours au télétravail, alors que certaines étaient contre à l’origine »

La pandémie de coronavirus SARS-CoV-2 et le confinement instauré dès le 17 mars en France ont bouleversé l’organisation du travail. Dans ce contexte, les directeurs des ressources humaines (DRH) ont été extrêmement sollicités : recours au télétravail, au chômage partiel, renforcement des précautions sanitaires pour les salariés restés sur site…

Publié le  06/05/2020

Afin d’en savoir plus sur les solutions mises en place par les organisations françaises, l’Association nationale des DRH (ANDRH) a lancé une enquête « flash », réalisée du 26 mars au 6 avril et à laquelle 550 (sur 5000) de ses adhérents, d’entreprises de toutes tailles, ont répondu. Audrey Richard, présidente de l’association, nous en présente ici certains des résultats, et nous livre son analyse sur la crise sanitaire, qui secoue aussi actuellement le monde du travail.

 

L'ANDRH vient de publier les résultats d'une enquête menée auprès de ses adhérents. Quels en sont les principaux enseignements ?

Il y en a deux principaux. D’abord, les DRH ont été au cœur de la gestion de crise, en relation avec le directeur général. Deuxièmement, 95 % des organisations ont eu recours au télétravail, alors que certaines étaient contre à l’origine. Et elles s’en sortent très bien. Je précise répondre en m’appuyant sur cette enquête, mais aussi à la lumière de mes échanges réguliers avec certains adhérents.
 

Les DRH ont-ils pu se saisir facilement des dispositifs proposés par le gouvernement, tels que l'activité partielle ?

Selon l’enquête, 41 % des DRH ont eu recours au chômage partiel. Cela permet de préserver des emplois, et c’est très bien. Cela dit, 74 % ont déclaré avoir rencontré des difficultés pour le mettre en place : dépôts de demandes en ligne, les sites étant saturés, longs délais d’obtention des codes d’accès, défauts d’informations, Direccte peu joignables… Autre difficulté : les délais entre les annonces gouvernementales et la publication des décrets. Il faut savoir que sur le terrain nous faisions face aux managers, aux patrons, aux organisations syndicales, qui, tous, nous demandaient des réponses… que nous ne pouvions donner faute de publication des décrets. 
 

Certains DRH ont pris le temps d’appeler directement tous les collaborateurs


Quelles grandes, ou récurrentes, préoccupations vous sont remontées de la part des DRH adhérents de l’association ces dernières semaines ?

Il y en a eu plusieurs. Beaucoup concernaient le télétravail, auquel nous avons eu souvent recours. Plusieurs problématiques sont remontées, notamment sur le plan technique : comment connecter, utiliser des outils collaboratifs, etc. L’enquête montre que 58 % des répondants ont dû adapter les outils d’échange à distance. Certaines organisations ont même eu du mal à faire face au manque de matériel, ou à un matériel non adapté.

Nous avons aussi eu d’autres types de remontées autour de la santé et de la sécurité au travail. Je rappelle que l’entreprise doit veiller, notamment, à la prévention des risques psychosociaux. Ce qui est apparu avec le confinement est que certains collaborateurs, notamment ceux qui étaient confinés seuls, n’ont plus donné de nouvelles. Je sais que certains DRH ont pris le temps d’appeler directement tous les collaborateurs. Certains ont aussi mis en place des cellules d’écoute psychologique. Nous devons prendre garde, notamment, aux personnes en situation de handicap, à celles atteintes de maladies chroniques, et même à la problématique des femmes qui subissent des violences conjugales…

Les entreprises se sont donc efforcées de rappeler qu’elles étaient là en cas de difficultés. Ensuite, toujours sur cette thématique des risques psychosociaux, nous avons pu relever des difficultés pour les parents devant télétravailler, tout en aidant à la continuité pédagogique pour leurs enfants… Notre rôle, en tant que DRH, est donc d’envoyer des recommandations à tous ceux qui sont en télétravail : par exemple se créer un environnement spécifique, ce qui n’est pas toujours évident, se fixer des règles, des horaires, se garder des temps pour le non-travail…

Quasiment toutes les entreprises ont fait attention à cela. Certains managers ont par ailleurs mis en place des temps informels, par exemple avec un café virtuel entre 9h et 9h30, dont l’objectif est de ne surtout pas parler travail, juste de prendre des nouvelles. En ce qui concerne les réunions, nous avons élaboré des recommandations : il faut qu’elles soient plus courtes, plus ciblées, mais aussi plus régulières pour rythmer la journée. Cela permet aussi de garder un lien avec l’entreprise. 
 

Quelles ont été les solutions adoptées pour protéger les salariés qui restent sur site ? Sachant que le matériel était souvent manquant au début du confinement…

Six DRH sur dix ont en effet gardé certains de leurs effectifs sur site. Dans cette situation, notre rôle est de contrôler la distanciation sociale et de faire respecter les gestes barrières, surtout quand il n’y a ni gel, ni masques. Cela dit, selon l’enquête, 82 % des DRH ont fourni du matériel de protection : masques, gels, vitres… et 67 % ont intensifié le nettoyage et la désinfection des locaux. Je précise par ailleurs que le dialogue social a été plutôt efficace, opérationnel et adapté. De très nombreux Conseils Sociaux et Economiques (CSE) ont eu lieu, à distance, les calendriers de négociations ont été bouleversés… On est en mode dégradé, mais ça tourne quand même. C’est intéressant de constater cela. 
 

Nous sommes en train de réaliser que certains métiers, auparavant peu valorisés, sont pourtant actuellement ceux qui font tourner la France


Que propose l’ANDRH pour soutenir ses adhérents ?

Merci de poser la question… Le fait est qu’en ce moment les DRH s’occupent de tout le monde, mais que personne ne s’occupe d’eux. Aujourd’hui, l’ANDRH essaie autant que possible de mettre en place les outils pour leur faciliter la vie : nous nous efforçons de répondre aux questions qu’ils se posent à travers, par exemple, des infographies. Mais au final, ils sont quand même en première ligne dans la gestion de crise, en duo avec leur DG. Je pense qu’il va falloir faire attention à eux, à leur fonction, après la crise. D’autant plus que nous allons devoir travailler sur la reprise, l’après-confinement, l’organisation du travail à ce moment-là… Bref, le travail restera intensif.
 

Selon vous, quels changements, positifs comme négatifs, à moyen et long terme, cette crise serait susceptible de générer ?

L’une des principales conséquences de cette crise a été de devoir adapter l’organisation du travail… Ce qui sera positif. En effet, de nombreuses entreprises ont pu réaliser qu’elles pouvaient tourner en télétravail, alors même que certaines le pensaient impossible. Ensuite, nous sommes en train de réaliser que certains métiers, auparavant peu valorisés, sont pourtant actuellement ceux qui font tourner la France : caissières, éboueurs... Ce sont, en plus des soignants bien évidemment, les héros de la France. Je pense donc que le regard des Français sur ces métiers aura changé. Et c’est une très bonne chose. Mais il y aura aussi un impact sur l’emploi…

 

Nous devrions construire davantage de ponts avec Pôle emploi


Justement, que savez-vous sur ce point ?

Nous avons posé la question dans cette enquête… 35 % des organisations prévoient un gel ou une baisse des recrutements en 2020. Nous n’avons en revanche pas de données plus précises sur les différents secteurs. Cela dit, dans l’IT, les recrutements pourraient peut-être augmenter. 
 

Avez-vous des retours de vos adhérents sur leurs liens avec Pôle emploi ?

Cela fait longtemps que je suis membre de l’ANDRH et j’ai l’impression que nous travaillons trop peu avec Pôle emploi. Je pense que des groupes locaux les font intervenir régulièrement, ce qui est une bonne chose. Mais au niveau national, notre rôle, et même notre devoir, serait de travailler davantage ensemble. Nous devrions construire davantage de ponts avec Pôle emploi. 
 

Quels conseils donneriez-vous aux demandeurs d'emploi pour se préparer au mieux, actuellement, à l'après-confinement ?

Ils peuvent profiter du confinement pour se former, surtout que de nombreuses formations sont gratuites actuellement. Elles sont d’ailleurs très utilisées, par les entreprises, comme par les personnes elles-mêmes. Mais quoi qu’il en soit, je pense qu’il ne faut surtout pas lâcher sa recherche en ce moment. Sinon, à la sortie du confinement, il risque d’y avoir une énorme différence entre ceux qui ont continué à chercher, et les autres. C’est un vrai travail de chercher un travail. Une recherche d’emploi c’est au quotidien, cela prend plusieurs heures par jour et cela implique des règles, et notamment de se lever le matin… Ce que font, la majorité des demandeurs d’emploi. Bref, même en ce moment, il y a des entreprises qui recrutent. Il faut aller les chercher. 
 

En savoir plus sur les résultats détaillés de l'enquête

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