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Jérémy Lamri, cofondateur du Lab RH

Publié le  18/05/2017

Référence dans le secteur des ressources humaines et de l’emploi, le Lab RH est un lieu de réflexion, d’accompagnement et de partage. Il regroupe plus de 400 membres, tels que des start-up spécialisées, des grandes entreprises telles que BNP Paribas, Engie, Chanel, et même des poids lourds du numérique comme Google et Microsoft. Jérémy Lamri, l’un de ses fondateurs, nous parle de son actualité et de l’innovation dans le secteur RH.

Quelles sont les grandes tendances innovantes dans le secteur des ressources humaines aujourd’hui ?

Il y a encore 18 mois, l’innovation RH était très techno, très digitale. Depuis un an et demi, des solutions sont sorties autour du big data et, contrairement à ce que l’on pourrait croire, cela a un peu freiné le marché. Le big data permet des recommandations, des prédictions. Ce phénomène questionne les RH qui se demandent que devient leur rôle, quelle est la validité de ces prédictions et comment cela fonctionne. Alors que l’innovation RH est très digitale, le marché commence à se poser des questions de déontologie, d’éthique. Les sujets sont donc un peu moins techniques qu’avant, mais les solutions sont plus proches des besoins réels.

Pourriez-vous nous en donner un exemple ?

Le big data appliqué à la carrière par exemple. Vous pourriez regarder la carrière des responsables marketing sur LinkedIn ces dix dernières années. Il y en a un certain nombre qui est devenu directeur marketing, une autre partie qui est devenue journaliste… Grosso modo, vous allez en tirer les grandes tendances d’évolution pour un responsable marketing. Le big data appliqué à une entreprise va dire : « le marché a dit que lorsqu’on est responsable marketing, on devient ça ». Cette façon de faire a deux inconvénients. Ce n’est pas engageant, parce qu’à aucun moment on ne demande l’avis de la personne en question, et c’est ultra déterministe. Il y en a même un troisième caché. Si, par exemple, deux ou trois personnes allaient devenir gérant d’ONG, statistiquement ça ne vaut rien, elles ne sont pas prises en compte. Sauf que dans la vie, cela s’appelle la diversité…
Ce sont tous ces sujets qui sont en train d’émerger. Ils apparaissent également dans le recrutement et la formation. C’est-à-dire que lorsque l’on fait telle formation, on accède à tel métier. Mais, a-t-on vraiment pensé à ce qu’apportait cette formation, ne permettrait-elle pas d’aller autre part ? L’algorithme est censé reproduire les meilleures pratiques de l’humain. La question est : quelles sont les meilleures pratiques ? Ce genre de questionnement permet de repenser le métier en profondeur.
Le lab RH est de plus en plus solliciter sur ces sujets, alors que ce n’était pas le cas il y a un an. Aujourd’hui, de nombreuses entreprises viennent nous voir en nous disant : « nous voulons innover, nous avons besoin de start-up, nous avons besoin d’agilité, mais nous ne voulons pas le faire n’importe comment ».

Quelles orientations prennent les start-up du secteur ?

Elles s’orientent sur quelques grandes thématiques. Le recrutement est un sujet toujours en souffrance qui se renouvelle en permanence, notamment avec les sites dédiés. Nous assistons à un renouveau du secteur avec des entreprises comme EASYRECRUE qui propose de l’entretien vidéo et vient d’annoncer une levée de 8 millions. Sur la partie recrutement, ce sont des solutions qui permettent a priori de gagner du temps.

La mobilité interne qui n’était pas un sujet il y a deux ou trois ans devient, aujourd’hui, prépondérante. On se rend compte que cela coûte moins cher de faire bouger les gens que de recruter. Il y a également ce que je propose avec Monkey Tie, qui permet à partir des compétences que possèdent les gens, leur personnalité, et leur moteur de motivation, de leur montrer les métiers qui pourraient leur correspondre, un peu comme un parcours d’orientation. Cet outil aide les RH à faire la même chose. Il y a aussi de la mobilité du côté externe. Plutôt que de perdre quelqu’un, on va l’envoyer six mois ou un an dans une autre entreprise. L’échange de salariés permet de leur faire prendre l’air. Une entreprise comme OSCARh le fait très bien.

La troisième grande thématique est la qualité de vie au travail. Il n’y avait quasiment pas de start-up sur le sujet il y a trois ans, aujourd’hui, il y en a plus d’une centaine en France. Cela peut être comment repenser le mobilier de bureau pour qu’il devienne un endroit où l’on se sent bien, l’entreprise Eneixia a des résultats incroyables dans ce secteur. Il y a également pas mal de solutions non digitales sur le bien-être au travail qui se développent. Du genre du yoga sur chaise ou toutes sortes de services au bureau qui te permettent de mieux vivre.

L’émulation est-elle importante ?

Oui, je pense d’ailleurs que nous allons commencer à constater beaucoup de pertes cette année. Dans les start-up, c’est 86% d’échec à 18 mois. Il n’y a pas de raisons que le secteur RH déroge à la règle. Il y a deux ans, il y avait 200 start-up, aujourd’hui, il y en a 600. Depuis le début de l’année nous avons déjà eu connaissance de la disparition de 5 ou 6… Le secteur va se rationnaliser.

Le Lab RH est un acteur porteur d’innovation. Il lance d’ailleurs une expérience très intéressante avec son API. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Il faut bien comprendre que toutes les start-up de notre secteur ne se développent qu’en travaillant avec une entreprise. Pour cela, elles ont besoin de se connecter à leur système d’information (SIRH). Aujourd’hui, c’est très compliqué de s’y connecter. Il faut connaître des gens, prendre son temps, montrer patte blanche. Nous avons donc développé au Lab RH une sorte de prise géante qui permet de connecter toutes les start-up ensemble à n’importe quel SIRH.
C’est une API (interface de programmation applicative) qui s’appelle Open RH. Nous la lançons en version pilote avec Talentsoft qui est un acteur important du SIRH. Talentsoft a financé la moitié de l’API. Ils ont une exclusivité de 12 mois. Ensuite, nous l’ouvrirons à tous les autres acteurs du secteur, Oracle, Workday
Très concrètement, c’est un peu comme une market place. Il y a une connexion à faire à Open RH de la part des start-up. Les entreprises qui utilisent Talentsoft auront une interface où elles vont pouvoir choisir les start-up avec lesquelles elles veulent travailler et, en un clic, elles sont mises en relation.

Comment le Lab RH est-il né ?

J’ai créé le Lab RH avec le principal concurrent de Monkey Tie qui s’appelait MyJobCompany. À l’époque, nous nous détestions. En fait, ma femme, qui est certainement plus intelligente que moi, a organisé un rendez-vous « guet-apens » parce qu’elle l’avait rencontré et s’était rendu compte que nous avions exactement les mêmes valeurs. Nous nous sommes tout de suite très bien entendus. Nous étions d’accord sur tout. Nous avions cette même envie de changer les choses, mais à force de se taper dessus, le risque était de ne rien faire pendant que le marché avançait. Nous nous sommes alors dit qu’en nous réunissant, nous serions plus forts, que nous pourrions aller plus vite que le marché et, si nous devenions assez importants, que nous pourrions le changer. Tout est parti de là. Nous avions, chacun de notre côté, l’idée du Lab depuis un moment. Nous trouvions que les RH étaient trop lents à comprendre. Le seul soutien que nous avions dans l’écosystème, c’était Reynald Chapuis de Pôle emploi. Nous avons créé le Lab pour avoir une caisse de résonnance au niveau de la presse, des cercles RH, pour leur faire prendre conscience de tout ce qu’il était possible de faire, de les faire sortir de leurs certitudes et adopter de l’innovation.
Aujourd’hui, toutes proportions gardées, nous avons réussi à créer une référence qui travaille avec Pôle emploi, l’État, les entreprises… Nous voulons vraiment être ce connecteur entre tous ceux qui touchent à l’innovation RH et emploi.

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