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Handicap invisible : vers une meilleure inclusion

Alors que les représentations que l'on se fait du handicap sont majoritairement associées au handicap physique, ce qui relève du handicap invisible correspond pourtant à 80% des situations de handicap, soit 4 sur 5. Ce qui n'est pas sans susciter doutes et questionnements, du côté des demandeurs d'emploi comme des entreprises.

Publié le  15/11/2021

La notion de handicap invisible inclut les conséquences de diverses pathologies, qui ont en commun le fait de ne pas être perceptibles, à moins qu'elles soient évoquées par les personnes. Qu'il s'agisse de déficiences sensorielles, cognitives, de maladies psychiques ou encore d'une maladie invalidante comme la sclérose en plaques ou chronique comme le diabète, ces formes de handicap sont à même de susciter l'interrogation dans l'entourage professionnel des personnes, et ce dès le recrutement. Dans le même temps, compenser au mieux la situation de handicap dans la sphère professionnelle, cela passe d'abord par une analyse partagée des interactions entre la personne et son environnement professionnel. Pour faciliter leur intégration professionnelle, différents acteurs s'efforcent de sensibiliser les employeurs et d'accompagner les personnes.

 

Il faut déconnecter la notion de handicap de celle de la lourdeur ou de la dépendance.


L'importance du projet

Julien Viaud est chargé d'études et de développement au sein de l'Agefiph (Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées), et a pour rôle de sensibiliser les salariés sur l'intégration des personnes handicapées. Sur la question de la perception du handicap au sein du monde professionnel, il insiste sur l'importance d'éviter de mettre les personnes "dans une case", quelle qu’elle soit : « Il faut déconnecter la notion de handicap de celle de la lourdeur ou de la dépendance. Il y a des personnes en situation de handicap qui sont tout à fait autonomes, en capacité de s'intégrer à une équipe, voire de porter des projets. Et qui par ailleurs peuvent être père ou mère de famille, ont des amis, et cetera, comme tout le monde ».
Il rappelle que l'intégration d'un collaborateur handicapé n'est pas forcément plus longue que celle d'un collaborateur classique : « Dans 85% des cas, il n'y a pas besoin d'aménagement des postes, car le service public de l'emploi aiguille les personnes vers des définitions de projets compatibles avec leur état de santé ».

En effet, la compensation des inégalités liées au handicap commence dès la définition du projet professionnel, qui peut être accompagnée par l'action des Cap emploi et des référents handicap œuvrant dans les agences de Pôle emploi. Ainsi, tel emploi créera des difficultés pour la personne, tandis que tel autre n'entrera pas en contradiction avec son handicap. Dès lors, celui-ci sera moins lourd à porter. 

Alors que le handicap invisible est finalement largement majoritaire dans la réalité du handicap, l'inclusion des personnes handicapées passe aussi par le fait de se concentrer sur leurs talents et leurs intérêts. En effet, comme l'expliquait une responsable d'une ADAPEI (Association départementale de parents et d'amis de personnes handicapées mentales) lors d'une interview, on ne recrute pas du handicap mais de la compétence.
 

Les dispositifs d'emploi accompagné

Dans le cadre de la loi « travail » du 8 août 2016, le dispositif d'emploi accompagné a été généralisé, afin de fournir un appui aux personnes en situation de handicap, pour obtenir et garder un emploi.  
Jessica est référente au sein du dispositif dans le Loiret. Avec ses collègues, elle accompagne les personnes dans la recherche d'emploi, mais aussi dans leur maintien dans l'emploi. Elle raconte la mise en place de ce nouvel outil : «  le job coaching a déjà fait ses preuves aux États-Unis ou encore au Canada. Cela fonctionne très bien car il s'agit d'un coaching individualisé de la personne en situation de handicap pour le milieu ordinaire. »

Un dispositif qui partage avec les Cap emploi la fonction d'évaluation des capacités, d'aide à la définition du projet et à la recherche d'emploi. Avec un nombre de personnes plus réduit par référent, le dispositif permet d'accompagner les personnes plus longtemps. Jessica explique : « Nous prenons attache avec les assistants sociaux, les soignants pour leur expliquer ce que nous savons, pour être les médiateurs et relais sur tous les volets de l'accompagnement de la personne. Ensuite, dans les démarches de recherche d'emploi, nous allons être présents physiquement à chaque étape, aux entretiens, pour faire médiation avec l'employeur quand la personne a du mal à s'exprimer ou à se mettre en avant. » Cette médiation peut aussi permettre d’aider à définir les modalités de contrat et d'organisation du travail. Par exemple, pour indiquer que la personne accompagnée est « plus performante le matin » ou qu'elle est plus à l'aise avec les tâches administrative que les tâches relationnelles.
 

Des réponses dans l'organisation

Pour certaines personnes, la réponse aux difficultés liées à leur handicap passe par la désignation d'un référent vers qui se tourner parmi ses collègues, la formulation des consignes par écrit ou encore par un aménagement particulier des horaires de travail.
Le dispositif favorise la participation des personnes à leur intégration dans l'entreprise, en insistant sur la maîtrise qu'elles ont de leur handicap : « nous disons à l'employeur que la personne connaît bien son handicap et que nous savons comment mettre en place les conditions pour que cela se passe bien. »
Cet accompagnement se nourrit ainsi de l'observation du contexte propre à l'entreprise : « Nous sommes présents sur place, de quelques heures à quelques jours, en fonction des besoins de la personne, pour observer le travail sur poste et comprendre un peu mieux l'organisation de travail. » L'accompagnement mise sur la proximité, dont ont particulièrement besoin « les personnes souffrant de handicap psychique, de traumatisme crânien, de troubles cognitifs et de troubles du spectre autistique, notamment du fait du grand besoin de proximité dont ils ont besoin dans leur accompagnement. »
 

Lorsqu’une personne est embauchée, il faut qu'une relation de confiance puisse s'instaurer. Si la personne en parle, c'est qu'elle aura compris que ce sera confidentiel et non bloquant dans sa carrière.


En parler ou non : une question de confiance

À l'heure de rechercher un emploi, évoquer ou non son handicap invisible peut être une source de questionnement. Pour Jessica, la meilleure option est souvent de se situer dans l'entre-deux, entre le silence et une expression trop ouverte sur le sujet, qui peut avoir ses inconvénients : « c'est dur de faire des généralités là-dessus, car c'est du cas par cas. C'est important de signifier qu'on est en situation de handicap, mais sans aller jusqu'à nommer la pathologie. Pour des raisons de confidentialité, mais aussi pour ce que ça peut induire ensuite chez les gens. Si vous dites que vous avez une sclérose en plaques, vos collègues vont sans doute aller chercher la définition sur internet. Et derrière, ils vont comparer avec ce qu'ils voient chez la personne. Il vaut mieux se contenter d'évoquer sa situation de handicap, et ensuite les éventuels besoins que l'on peut avoir. »

En ce qui concerne la question de communiquer ou non sur son handicap lors d'une candidature, Julien Viaud indique que cela gagne à être mentionné en fin de CV, seulement si l'on a constaté une politique active de l'entreprise sur le sujet. Au moment de décider d'en parler ou non au sein de l'entreprise, c'est la relation de confiance entre les deux parties qui va primer, explique le chargé d'études : « Lorsqu’une personne est embauchée, il faut qu'une relation de confiance puisse s'instaurer. Si la personne en parle, c'est qu'elle aura compris que ce sera confidentiel et non bloquant dans sa carrière. Et après, cela est une question personnelle. Ce qui doit importer aux entreprises, ce sont les conséquences du handicap sur l'emploi occupé. Les autres questions qui peuvent être posées portent sur les contre-indications médicales et les aménagements de poste nécessaires . »  

S'il relève bien sûr de l'appréciation des personnes de communiquer ou non sur leur handicap auprès de leurs collègues, ce sont parfois les employeurs qui refusent que cela soit évoqué au sein de l'équipe. Un choix qui s'avère souvent contre-productif à long terme, d'après Jessica : « Toutes les fois où les employeurs n'ont pas voulu prévenir le collectif de travail, cela s'est avéré compliqué à un moment ou un autre. Par exemple, si les collègues ne savent pas que la personne est en situation de handicap, ils vont trouver étonnant qu'il ait besoin de s'absenter, et vont penser que la personne est privilégiée. »

Prévenir sans stigmatiser, tel semble être alors l'équilibre sur lequel repose une intégration professionnelle réussie, en lien avec un effort croissant de sensibilisation des collectifs de travail sur l'inclusion des personnes handicapées. 

Pour aller plus loin : la 25e édition de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées (SEEPH) se déroule du lundi 15 novembre au dimanche 21 novembre 2021. 
https://www.semaine-emploi-handicap.com/edition-2021
 

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