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Comment la modernisation de l’industrie navale change la donne de l’emploi et de la formation

L’édition 2022 de la semaine de l’emploi maritime est l’occasion de revenir sur l’industrie navale 4.0 qui dessine une trajectoire ambitieuse au service de l’attractivité et de l’emploi.

Publié le  02/03/2022

L’industrie navale française, qui ne compte pas moins de 48 100 collaborateurs et dont le chiffre d’affaires s’élève à 12,3 milliards d’euros, connaît une véritable mutation technologique et se transforme au rythme des innovations numériques. Navires plus intelligents, logiciels de pointe, enjeux cyber, bouées acoustiques… La transition vers une industrie navale 4.0 est en marche, pour les activités maritimes de défense comme pour les activités maritimes civiles. Marianne Douard, directrice des ressources humaines des activités de défense du groupe Thales, qui rassemble 8 000 collaborateurs dans le monde dont 5 000 en France, apporte son éclairage sur la manière dont cette nouvelle dynamique impacte l’emploi et les modes de travail.

Quand les technologies révolutionnent les savoir-faire

La conception, la construction, la production ou encore la maintenance sont autant d’activités directement concernées par la modernisation de l’industrie navale, avec à la clé des bénéfices concrets qui couvrent aussi bien les enjeux liés à la sécurité des navires, que la réduction des temps de conception et des coûts opérationnels, ou l’amélioration de l’efficacité des opérations en mer. Les industriels s’équipent désormais de tout un arsenal de nouvelles technologies – réalité virtuelle, intelligence artificielle (IA), Big Data et autre machine learning – et opèrent un virage technologique qui révolutionne les savoir-faire. 


Du côté des activités maritimes de défense, Marianne Douard estime que l’innovation vient renforcer les moyens de surveillance sur les côtes ou en haute mer, grâce notamment à la « dronisation », qui rend les opérations de défense plus sûres, le Big Data, avec la captation, l’interopérabilité et la mise en commun de données émanant de l’ensemble des forces de défense (forces maritimes, terrestres, aériennes). Enfin, Marianne Douard considère que l’intelligence artificielle est devenue indispensable dans l’aide à la prise de décision. 


La DRH souligne par ailleurs qu’il y a de grands enjeux technologiques autour de la cybersécurité : « L’industrie navale doit composer avec les risques de guerre électronique et des menaces cyber toujours plus intenses et complexes. C’est un nouvel axe pour les acteurs du secteur et nous devons être en mesure de développer des systèmes plus résilients et plus sûrs ». 
 

Travailler mieux, et ensemble

Qui dit nouveaux savoir-faire dit nouveaux modes de travail. Le « jumeau numérique » – qui consiste à répliquer virtuellement un objet réel – est un bel exemple de la façon dont la modernisation de l’industrie navale transforme l’emploi. En effet, ce procédé permet par exemple d’accélérer et d’optimiser la conception de radars utilisés sur certaines frégates de défense et d’intervention, ou la conception de navires marchands, en limitant les phases de test, en améliorant la prise de décision et en favorisant le partage des compétences entre collaborateurs. 


La robotique et la cobotique sont également structurants pour l’industrie navale et, selon une étude du cabinet de conseil EY, ces technologies sont notamment utilisées pour réduire la pénibilité de tâches (comme la soudure, la découpe ou l’assemblage de pièces), et pour permettre aux techniciens de réaliser des opérations de maintenance ou des interventions au sein d’environnements dits complexes, à l’instar des sous-marins et des sites sensibles. Un constat partagé par l’Observatoire de la Métallurgie, qui insiste également sur les bénéfices apportés par la « maquette numérique », système qui renforce la collaboration entre différents corps de métiers autour des activités de reporting, du contrôle qualité et des cycles de production des chantiers navals. 
 

De nouveaux modes de travail

Avec l’industrie navale 4.0 émergent aussi des modes de travail plus centrés sur le collaborateur et la prise de décision participative. « L’industrie navale évolue rapidement et transforme les modes de travail. Certains chantiers navals historiques deviennent des bureaux de design thinking où l’on réfléchit aux besoins des futures marines », analyse Marianne Douard, ajoutant que « les nouvelles technologies placent les collaborateurs au centre de la réflexion sur les solutions utilisées et les besoins des clients ». Pour accompagner cette dynamique, Thales a imaginé des équipes dites intégrées rassemblant des collaborateurs de métiers différents au sein d’un même espace de travail, avec l’objectif de favoriser l’émulation collective autour de l’innovation. « Nos équipes intégrées profitent du smart working, c’est-à-dire la capacité à concevoir des espaces de travail de qualité propices à l’efficacité et garants d’une vraie qualité de vie, le tout, en travail hybride. Cette démarche est capitale dans le succès de nos projets ». Des sessions de design thinking vont par exemple permettre aux collaborateurs de tester des solutions d’IA, de se les approprier et de vérifier leur fiabilité. 
Thales rassemble aussi start-up et clients autour de hackathons, là encore pour faire converger expertises et points de vue autour des nouvelles technologies, dans le but de designer de nouveaux concepts et produits. 

 

D’une manière générale, les industriels doivent s’adapter à la vitesse d’évolution du numérique en instaurant des modes de travail plus flexibles et réactifs. « Nous mettons en place des laboratoires avec des méthodes agiles afin de suivre les cycles d’évolution des différents logiciels et d’être toujours dans la course technologique », précise Marianne Douard. 
 

Former et recruter les collaborateurs de demain : l’enjeu incontournable

En termes de formation et de recrutement, les profils hautement qualifiés sont prioritaires, et ce pour l’ensemble des activités de l’industrie navale, avec l’accent mis sur les ouvriers et les techniciens de niveau Bac à Bac+3. Une enquête réalisée par le Campus des Industries navales (CINav) auprès de plus de 200 acteurs met en exergue seize de ces métiers – parmi lesquels le technicien de maintenance, l’usineur, le soudeur, le chaudronnier ou encore le mécanicien naval – largement impactés par l’arrivée des nouvelles technologies et d’ores et déjà en tension. 
Pour Marianne Douard, les data scientists, les architectes et les intégrateurs réseaux ainsi que les ingénieurs en cybersécurité constituent également les métiers de demain dont l’industrie navale a besoin. « Si certains métiers traditionnels continuent d’être structurants pour nos activités, l’avènement du numérique fait émerger de nouvelles fonctions clés. Nous avons aujourd’hui besoin de data scientists capables de développer des solutions autour de l’IA et du Big Data, d’architectes et intégrateurs pour concevoir les mises en réseaux, et d’ingénieurs cybersécurité en mesure d’assurer l’intégrité des systèmes de défense face aux attaques ». Des compétences que la plupart des entreprises du secteur s’arrachent, comme le confirme Thales. « Il y a une véritable guerre des talents, nous faisons face à une pénurie de ces profils. Rien qu’en 2022, nous prévoyons, au niveau du groupe, de recruter 3 400 CDI pour nos activités de défense en France », poursuit Marianne Douard. 

 

Les enjeux de formation et de recrutement s’ajoutent ainsi aux enjeux technologiques. Pour ce faire, le CINav a justement été créé avec l’objectif de mobiliser une large partie des acteurs autour de ces problématiques et d’être en capacité de recruter les professionnels d’aujourd’hui et de demain. D’autres grands industriels comme Thales misent sur la formation en interne, sur le modèle de l’entreprise apprenante. En effet, pour répondre à la pénurie de profils et aux enjeux de montée en compétences des collaborateurs, le Groupe a développé ses propres académies de formation afin d’être en phase avec la réalité du marché et les besoins de ses clients. « Nous recrutons de jeunes ingénieurs en sortie d’école que nous faisons ensuite progresser sur les nouveaux métiers d’architecte ou de data scientist. Concernant le concept de guerre électronique, il n’existe pour l’heure pas de cursus bien identifié, c’est pourquoi nous avons imaginé notre propre formation », se réjouit Marianne Douard. 
Tout est fait donc pour que les nouvelles recrues puissent prendre le virage de l’industrie 4.0 et monter en compétences, enjeu fort pour les collaborateurs déjà en poste, et vivement encouragé par l’industriel : « Nous offrons à nos salariés les mêmes chances d’être formés que de nouvelles recrues, et nous leur proposons également de devenir formateur à leur tour, via des sessions de mentorat ou de tutorat ». 
 

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