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Comment répondre aux nouvelles attentes des jeunes sur le marché du travail ?

Par l’ensemble des moyens à sa disposition, la jeune génération ne cesse d’exprimer ses attentes à l’égard du futur. Comment ces préoccupations se répercutent-elles sur le monde du travail ?

Publié le  19/12/2022

Marquée par la crise sanitaire, mais également par l’urgence climatique, la jeune génération ne cesse de réinterroger le rapport au travail. Si ses préoccupations peuvent également être partagées par d’autres tranches d’âges, elles portent également une spécificité indéniable.

Près d’un tiers des millenials et de la génération Z sont soucieux du coût de la vie et du changement climatique. Ces sujets exercent une influence directe sur la manière d’envisager le travail et la place qui lui est accordée dans la société.

Les enjeux qui traversent aujourd’hui la société, et en particulier la jeune génération, non contents de modifier les manières de travailler, bouleversent également les attentes lors du recrutement et instaurent de nouvelles motivations dans les choix de carrière. Penser le rapport des jeunes au travail nécessite ainsi de comprendre les sujets propres aux générations qui composent « la jeunesse » et leurs conséquences pour le marché de l’emploi dans son ensemble. 

 

Les nouvelles attentes de la jeunesse

Si l’actualité a récemment été marquée par les discours chocs des jeunes diplômés lors des cérémonies de remises de diplômes dans de grandes écoles, les attentes exprimées par ces jeunes reflètent-elles celles de leur génération dans son ensemble ?

Dans une étude menée en octobre 2022, l’institut BVA a montré que près de la moitié de la population de jeunes interrogée accordait une importance forte au regard des autres et de la société quant à leurs agissements quotidiens. Ce point est particulièrement important pour comprendre ce qui caractérise aujourd’hui le regard des jeunes sur le travail : si les questions de bien-être professionnel demeurent primordiales, le sens accordé au métier accompli semble aujourd’hui prépondérant dans les choix de carrière. 

Une autre étude dirigée en septembre 2022 par OpinionWay sur le rapport des jeunes à l’emploi confirme cette perspective. Pour 74 % de la population sondée, la crise sanitaire a suscité l’envie d’opérer des changements dans leur vie professionnelle. Derrière la rémunération (59 %), qui reste donc première, l’environnement de travail (37 %), la flexibilité (37 %) et l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle (37 %) ainsi que l’intérêt et le sens des missions proposées (32 %) sont désormais les critères prioritaires dans la recherche d’emploi.

En outre, près de 80 % jugent « important » ou « prioritaire » la place des engagements environnementaux et sociétaux d’une entreprise. Le sens accordé au travail par les jeunes dans leurs recherches d’emploi est ainsi double : il s’agit à la fois des engagements de l’entreprise au sein de la société et de la place accordée à ses collaborateurs en son sein.

À titre de comparaison avec le dernier baromètre « Talents, ce qu’ils attendent de leur emploi » effectué par Ipsos-BCG auprès d’étudiants de grandes écoles en mars 2021, nous retrouvons les mêmes tendances, même si elles sont légèrement moins marquées, en population générale. 

 

En quoi ces demandes sont-elles différentes de celles des autres générations ?

 

La crise sanitaire a profondément modifié notre rapport au travail en établissant un certain nombre de tendances qui ne sont pas propres à la jeune génération. La première d’entre-elles n’est autre que la demande de flexibilité. Une étude internationale d’août 2021 menée par Ipsos en partenariat avec le Forum économique mondial a observé que 64 % des collaborateurs réclament davantage de flexibilité afin de privilégier le télétravail. Si les résultats chez les jeunes générations sont plus élevés, la tendance est commune à l’ensemble des salariés. De même, une étude de la société Qualtrics a montré qu’en 2022, 35 % des salariés interrogés seraient susceptibles de quitter leur travail s’ils étaient forcés de travailler à temps-plein en présentiel. Selon une autre enquête de l’ADP Research Institue, ce chiffre atteindrait les 53 % chez la jeune génération. 

Il en va de même pour les engagements sociétaux de l’entreprise. Comme le révèle l’enquête de Cegos, en 2021 89 % des 30-45 ans seraient prêts à se reconvertir dans un métier en lien avec une problématique RSE et 72 % souhaiteraient être davantage associés aux réflexions à ce sujet au sein même de leur entreprise. La différence fondamentale entre les jeunes et le reste des salariés se situe principalement dans le fait d’exprimer de telles demandes dès leur première embauche et d’effectuer leurs choix de carrière en fonction de tels critères.

Un phénomène récent ?

En quoi ces attentes à l’égard du monde du travail marquent-elles un véritable tournant ? Alors que recruteurs et candidats semblent avoir du mal à se comprendre, cette question est d’importance. D’autant plus que la génération Z, comme l’a souligné le Forum économique mondial, représentera d’ici 2025 près de 27 % de la population active

Contrairement à ce qui peut être parfois affirmé, les jeunes ne manifestent pas une forme de désintérêt pour le monde du travail ou pour la culture d’entreprise, bien au contraire. Une étude récente de la DARES a notamment montré que le taux d’emploi chez les jeunes entre 15 et 24 ans a progressé de 4,4 points entre les quatrièmes trimestres de 2020 et 2021 avec une part importante d’alternance (près de la moitié de la hausse).

Contrairement à ce qui apparaît également dans les sondages et enquêtes d’opinion, la flexibilité, qui figure parmi les premières attentes des jeunes, ne se traduit pas nécessairement dans les statistiques de la DARES. En effet, le rapport indique que l’Aide à l’embauche des jeunes (AEJ) a favorisé le passage des jeunes entre 22 et 25 ans de CDD longs à des CDI et que le taux d’emploi en CDI baisse moins que celui en CDD entre fin 2019 et fin 2020. 

La porosité des jeunes générations aux enjeux sociaux n’est pas un phénomène nouveau. Dans un article de 2010, Dominique Meda et Patricia Vendramin définissaient déjà le rapport des jeunes au travail comme « polycentrique »* : cette partie de la population s’inscrit dans un système de valeurs organisé autour de plusieurs centres (la famille, les relations sociales, l’engagement, les loisirs…) dont l’équilibre demeure individuel.

Le choix d’une profession, la plus grande acceptation de la flexibilité sont régis par une recherche de sens inscrite dans le système de valeurs propre à chaque membre de la jeune génération. Le véritable changement dans le rapport de la jeune génération actuelle au monde du travail se situe dans la mutation homogène de ce même système de valeurs sous l’effet de deux événements majeurs.

Comme l’a montré Frédéric Dabi dans La Fracture**, la pandémie de Covid-19 a fortement éprouvé la jeune génération mais a également renforcé le sentiment d’appartenance de cette tranche d’âge qui va devoir surmonter l’enjeu du réchauffement climatique. 

 

Repenser l’expérience collaborateur et les stratégies de recrutement

Comme nous l’avons évoqué précédemment, le décalage ou l’incompréhension qui peut parfois apparaître entre un recruteur et ses candidats issus de la jeune génération ne provient pas d’un rejet du monde du travail, mais bien de ses attentes extrêmement importantes attribuées à l’entreprise sur les sujets sociétaux et environnementaux.

Pour satisfaire ces nouveaux attendus, accéder à un panel de candidats élargi et obtenir une meilleure rétention de talents, la mise en avant de la RSE au sein de la stratégie de recrutement apparaît comme un outil indispensable. Outre le fait de contribuer à développer une marque employeur propre, l’intégration de la RSE dans la stratégie de recrutement répond directement à la recherche de sens que la jeune génération confère au travail et n’est pas réservée aux grands groupes

Le deuxième élément qui peut permettre de réduire la distance entre recruteur et jeune candidat par le biais de la stratégie de recrutement n’est autre que l’expérience collaborateur. En effet, valoriser la flexibilité au sein de sa communication et la promouvoir par le biais de la marque employeur représentent un véritable atout en termes de recrutement à destination des jeunes générations.

La crise sanitaire a marqué un tournant dans le rapport au travail hybride, faisant de ce dernier une nécessité pour bon nombre de jeunes collaborateurs. Garantir une grande liberté d’organisation tout au long du parcours en entreprise, sans se restreindre à des horaires classiques ou un emploi intégralement en présentiel, mais également mettre en avant l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle semble indispensable pour attirer les talents et les fidéliser. 

La réponse aux attentes de la jeune génération figure non seulement dans les stratégies de recrutement à déployer, mais également dans les modes de communication qui permettent de valoriser les engagements et le fonctionnement interne de l’entreprise.

Le développement de partenariats avec des écoles spécifiques, l’utilisation des réseaux sociaux les plus prisés par les millenials (TikTok, Instagram) et l’organisation de campagnes de recrutement ciblées afin de valoriser l’engagement de l’entreprise pour un sujet en particulier sont autant de moyens supplémentaires pour attirer de jeunes candidats mais également pour leur apporter, avant même leur recrutement, des réponses aux attentes qui les caractérisent. 

Biblio
*Dominique Méda et Patricia Vendramin, « Les générations entretiennent-elles un rapport différent au travail ? », SociologieS, Théories et recherches, mis en ligne le 27 décembre 2010.
**Frédéric Dabi, La Fracture, Paris, Les Arènes, 2021.

 

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