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Les agences Pôle emploi innovent et se mobilisent contre le chômage de longue durée

Dans le nord de l’Isère, Pôle emploi accompagne au plus près des demandeurs d’emploi de longue durée pendant deux jours et le troisième, il les emmène en taxi visiter une entreprise qui cherche à embaucher. Reportage.

Publié le  26/07/2022

 

Une fois par mois, à Roussillon (Isère), un taxi se présente sur le parking de la cité Bel Air. Cédric, le chauffeur, est missionné par Pôle emploi pour transporter gratuitement un groupe de demandeurs d’emploi jusqu’à l’entrée d’une entreprise de la région. 
Ce jeudi, c’est la troisième course pour Pôle emploi. La première, c’était pour se rendre devant une friperie associative et la seconde, une fabrique de vérandas. Tout à l’heure, ce sera chez Elivia, un poids lourd de l’agroalimentaire, à une dizaine de kilomètres de là. 

Les clients de Cédric sont tous inscrits à Pôle emploi depuis au moins un an et parfois même beaucoup plus. Déjà vingt-trois personnes, toutes considérées au départ comme très éloignées de l’emploi, sont montées dans son taxi. Six ont depuis retrouvé un travail, dont quatre dans les entreprises qu’ils ont visitées. « Et pour tous les autres, 18 second rendez-vous ont été décrochés », se félicite Florence Sanfilippo, la directrice de l’agence Pôle emploi de Roussillon.
 

Modifier nos approches

À l’agence Pôle emploi de Roussillon, la priorité est donnée au contact direct pour toujours se parler et mieux se connaître. Ici, un tiers des inscrits sont des chômeurs de longue durée, c’est-à-dire en recherche d’emploi depuis au moins un an. Florence Sanfilippo, qui a l’expérience de vingt ans de maison, résume bien la situation : « Dans le département, le chômage a diminué de 18 % et les offres d’emploi ont bondi de 69 %. Nous devons aller chercher des compétences chez les demandeurs d’emploi de longue durée parce qu’ils en ont. Pour cela, nous devons modifier nos approches ». 

Trois agences de la région ont inauguré, en avril 2022, un programme inédit pour remettre en selle les demandeurs d’emploi de longue durée. Baptisé « La Route de l’emploi », cette action innovante est la résultante d’une forte volonté politique et d’une consultation nationale auprès des salariés de Pôle emploi qui ont ouvert la boîte à idées pour trouver des remèdes au chômage long. (Lire l’encadré)
 

L’envie de s’en sortir 

Avant de monter dans le taxi avec l’espoir de rouler vers une autre vie, les signataires acceptent deux journées intensives de remobilisation professionnelle. « Quand on est loin du monde du travail pendant un temps très long », explique Mélodie Chorier, formatrice experte en insertion professionnelle, « c’est très dur de sortir de ses habitudes. Dur de se lever tôt le matin, d’oublier ses échecs, ses peurs. Dur aussi de se projeter dans un avenir, professionnel différent de celui qu’on a connu ». 

Mélodie se présente comme « une accoucheuse de bon rythme » :  respect strict des horaires, être patient, à l’écoute et se montrer capable de travailler en équipe. Lors de ces deux jours, elle organise des jeux de groupe, comme « que prend-t-on avec soi dans un canot de sauvetage ? ». La liste des objets choisis d’abord seul, puis tous ensemble, finit par démontrer qu’on y arrive toujours mieux à plusieurs. Beaucoup de temps est consacré à réfléchir à « ce qu’on fait, ce qu’on sait faire et ce qu’on pourrait faire ». Chacun doit reprendre son passé, l’écrire et le transformer en pitch, une présentation à l’oral. Rien n’est laissé au hasard. Même le repas de midi est l’occasion de mieux se préparer à un retour à la vie professionnelle. Comment se tenir à table et comment échanger avec ses futurs collègues font partie du menu. 

« Il faut sortir du préjugé selon lequel les chômeurs de longue durée profitent ou se complaisent de leur état, dit Mélodie. Beaucoup souffrent et sont dans une situation d’ultra-précarité. Ils ont tous des parcours de vie accidentés, mais tous partagent l’envie de s’en sortir ». 
 

 

On croit en leurs compétences 

Aujourd’hui, trois candidates prennent « la Route de l’emploi » dans le taxi de Cédric. Trécy, 28 ans, élève seule ses quatre très jeunes enfants et espère enfin « sortir de la routine de la maison, rencontrer des gens et gagner plus d’argent ». Delphine, 47 ans, souhaite retrouver le poste d’assistante de vie qu’elle a lâché dans l’ouest de la France pour suivre son mari. Enfin Zoubida, 49 ans, a décidé de sortir d’une longue pause professionnelle prise pour élever son fils aujourd’hui âgé de 6 ans. Mélodie les accompagne. « Pas question de les laisser partir seules », dit Florence Sanfilippo. « On est jusqu’au bout à leurs côtés. Le transport en taxi à nos frais est la preuve qu’on croit en leurs compétences ». 

La rencontre entre ces trois profils, tous issus de l’univers de l’aide à la personne et l’entreprise Elivia, qui met en barquette des steaks hachés, embosse de la chair à saucisse et découpe des carpaccios, est étonnante, tant pour les candidates que pour l’entreprise. Pourtant, « quand on a pris soin d’enfants ou de personnes âgées, on est capable de respecter des horaires et d’appliquer les règles d’hygiène d’une chaîne alimentaire. Il s’agit d’une rencontre entre deux univers qui ne se connaissent pas mais qui peuvent matcher », explique Florence Sanfilippo.

Sindy Catel, la directrice du site d’Elivia, accueille en personne les trois femmes et leur coach dans une salle de réunion. Un film présentant l’activité du groupe en France et dans le monde est projeté à l’assistance. Ici pas d’abattage de bovins ou de porcs, mais des chaînes de production qui débitent steaks hachés, saucisses et brochettes de bœufs sur des barquettes aux couleurs des marques vendues dans la grande distribution. La directrice du site explique le fonctionnement des chaînes, et ce qu’elle attend de ses 140 salariés : une grande ponctualité, un respect sans faille des règles d’hygiène, de qualité et de sécurité, et un savoir-être qui autorise le travail en équipe. 

Ensuite, les trois candidates vont sur le terrain et visitent les chaînes de production. Elles découvrent comment on débite un bloc congelé de bœuf pour le transformer en carpaccio, la machine cubique qui fabrique des brochettes et les cuves remplies de chair à saucisse.
 

Prête à essayer

Au retour, les trois femmes reconnaissent avoir été surprises par la visite. « Je ne m’attendais pas à cela », disent-elles en chœur. 
Sindy Catel enchaîne, expliquant que son usine travaille à flux tendu, en fonction des demandes de la grande distribution. Elle a, dit-elle, « un besoin permanent d’intérimaires », surtout pendant la période des barbecues en juillet et en août. Et, elle ajoute : « Il faut seulement un mois et demi pour former, en binôme, une salariée en poste sur les chaînes de production ». 

Avant de quitter les lieux, les trois femmes ont la certitude d’avoir un entretien avec la directrice.
 

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