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« Nous avons l’ambition de faire naître des artisans »

Vincent Vaillant, DRH Hermès Maroquinerie-Sellerie, a accepté de nous présenter l’École Hermès des savoir-faire, ouverte en septembre 2021 dans un premier pôle en Rhône-Alpes. Les formations qui y sont dispensées permettent d’obtenir un CAP Maroquinerie, un Certificat de qualification professionnelle (CQP) de coupeur ou de piqueur. Un second pôle a ouvert dans les Ardennes en février, et d’autres sont entrés dans le dispositif depuis (Charente, Seine-et-Marne, Eure, etc.).

Publié le  10/11/2022

 

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Pourquoi avoir créé l’École Hermès des savoir-faire ?

Vincent Vaillant : Hermès est une maison d’artisans depuis sa création par Thierry Hermès en 1837. Dans ce métier, nous transmettons de génération en génération des savoir-faire d’exception, de tradition artisanale. Hermès a toujours été une maison de formation. Avant cette École, nous avions déjà, en maroquinerie comme dans d’autres métiers, des ateliers-école intégrés ou des partenariats avec des écoles externes. La transmission des savoir-faire est donc au cœur du modèle d’Hermès. 

Nous avons donc saisi l’opportunité offerte par la loi Avenir professionnel de 2018, qui a permis ;aux entreprises de créer leur propre Centre de formation d’apprentis (CFA), pour aller jusqu’au bout de ce que la maison fait en termes de formation depuis toujours. Jusqu’à la capacité de délivrer un diplôme d’État à ceux qui nous rejoignent dans le métier et qui, pour la plupart, en ignoraient tout jusqu’au jour où ils ont mis les pieds dans une réunion d’information collective organisée avec Pôle emploi. Nous avons aussi d’autres projets pour ouvrir prochainement notre École à d’autres qualifications au sein de la maroquinerie.


 

Comment sélectionnez-vous les candidats souhaitant rejoindre l’École ?

V. V. : Notre sélection est ouverte à tous. Nous avons recruté en 2021-2022 des personnes âgées de 18 à 58 ans, qui ont pu pratiquer toutes sortes de métiers, artisanaux, tertiaires, ou plus techniques et artistiques, mais aussi des personnes issues des secteurs médico-sociaux ainsi que des militaires, etc. 

Notre processus de sélection, co-construit avec Pôle emploi, débute par des réunions d’information collective et va jusqu’aux entretiens finaux avec nos équipes RH, formation et management. Entre les deux, un certain nombre de tests est réalisé, d’habiletés notamment, ou encore de personnalité, pour s’approcher le plus possible d’une rencontre réussie entre une personne qui ne connaît rien au métier, et celui qu’Hermès va lui proposer.


 

"Nous allons recruter 400 artisans maroquiniers, d’ici fin 2023, sur l’ensemble de ses 9 pôles régionaux"


Concernant les tests de personnalité : quels traits sont-ils nécessaires selon vous ?

V. V. : Chaque personne est unique. Ceci étant, je pense qu’on bon artisan est une personne qui a le sens du détail, de l’observation, qui a une bonne capacité de concentration, d’organisation. Il est aussi nécessaire d’être à l’aise dans un collectif. Même si un artisan Hermès va monter son sac de A à Z seul, il appartient à un atelier pouvant aller jusqu’à 30 personnes, dans une maroquinerie où nous visons de ne pas dépasser 250/260 artisans. Il va donc travailler dans un collectif. Il faut ainsi une personne qui a le sens de l’entraide, le sens de l’équipe. 


Pour nos manufactures, nous ne cherchons pas spécialement de personnes particulièrement créatives car nos artisans vont fabriquer les modèles de nos collections, imaginés par notre studio de création. Toutefois, les artisans présents depuis longtemps disent : « Je ne m’ennuie jamais. Tous les matins c’est différent. » En effet, il y a des renouvellements de produits, de collections, de matières, les sacs sont de tailles différentes, et tout cela fait une diversité incroyable ! Mais ce n’est pas une aspiration à la créativité que nous allons rechercher.

 

Comment se déroule la formation ?

V. V. : Elle est dispensée sur trois temps. Les personnes sélectionnées suivent tout d’abord une « formation aux gestes-métier » de six mois. Elles n’apprennent pas, à ce stade, à monter un produit, mais tous les savoir-faire fondamentaux de l’artisan maroquinier. Dans un second temps, qui dure également six mois, elles apprennent vraiment à monter un produit Hermès avec la « formation modèle ». Lors de la troisième phase, d’une durée de six mois encore, elles rejoignent un atelier de fabrication où elles sont tutorées par des artisans plus expérimentés.

Elles continuent alors dans leur progression, dans l’attendu de qualité, mais aussi évidemment dans les attendus de performance. C’est un long processus, très engageant pour toutes les parties. Cela représente beaucoup d’investissement : une centaine d’artisans de la maison se consacrent à cette formation. Ce qui explique que nous avons beaucoup travaillé en amont, avec Pôle emploi, sur le processus de sélection, car l’enjeu, pour les candidats comme pour nous, est évidemment très important. 

 

 

Quel statut ont les apprenants ?

V. V. : Pendant la première période, construite avec Pôle emploi, la plupart entrent dans le cadre d’une préparation opérationnelle à l'emploi collective (POEC). Ensuite, selon leur âge, elles entrent en contrat d’apprentissage (avant 30 ans), ou en contrat de professionnalisation (à partir de 30 ans), pour une durée de 12 mois. Au bout de ces 15 mois, les apprentis obtiennent un CDI mais poursuivent leur formation dans l’atelier, accompagnés par des tuteurs pendant plusieurs mois jusqu’à leur autonomie. Le cycle complet de formation dure ainsi 18 mois.

 

En quoi vos métiers relèvent de l’artisanat ?

V. V. : Le métier d’artisan maroquinier est un métier authentique, de fabrication manuelle sur des temps longs : il faut en effet parfois plusieurs journées de travail pour fabriquer un produit. Cela demande des aptitudes d’artisan : organiser son travail, avoir bien en tête l’avancement des étapes de fabrication d’un produit complexe composé de plusieurs dizaines de pièces de cuir et plusieurs pièces métalliques, mettre en œuvre les savoir-faire du métier dans une maîtrise constante des gestes et de la qualité attendue, comme la couture main, par exemple, qui est un savoir-faire emblématique de la maison, savoir utiliser tous les outils propres au maroquinier.

 

Avez-vous déjà réalisé un premier bilan du dispositif ? Certaines personnes abandonnent-elles en cours de route ?

V. V. : Même si nous formons des artisans depuis de nombreuses années, l’École Hermès des savoir-faire n’a qu’un an sur le premier pôle [Rhône-Alpes, Ndlr]. Il est donc encore difficile de donner un bilan complet. Ce que nous constatons aujourd’hui, avec les premières promotions accueillies, c’est que le parcours construit et l’accompagnement pédagogique, que nous avons beaucoup travaillé, constituent un dispositif de formation pertinent et efficace, pour les apprenants comme pour les formateurs. Nous sommes convaincus que nous avons là un outil d’apprentissage puissant pour la formation de nos futurs artisans. 
Concernant les abandons…

Quand nous recrutons dix futurs artisans, nous le faisons parce que nous souhaitons tous les former pour les garder. C’est pourquoi nous les sélectionnons avec beaucoup de soins, et les formons avec la plus grande attention possible. Malgré cela, en effet, certaines personnes abandonnent d’elles-mêmes ou parce que nous faisons avec elles le constat qu’elles ne parviennent pas à « rencontrer » ce métier. Soit ce n’est pas ce qu’elles avaient imaginé, soit elles ont du mal à être à la hauteur des exigences de fabrication. Notre objectif est bien d’en garder un maximum qui vont s’épanouir dans le métier. Nous avons l’habitude de dire que nous avons l’ambition de faire naître des artisans, ce qui reste malgré tout le soin apporté à chacun, un défi constant !

 

Pour en savoir plus sur l’École Hermès des savoir-faire

 

Hermès et son recrutement

Hermès rencontre-t-elle actuellement des difficultés de recrutement ?

 

Nous rencontrons en effet certaines difficultés : c’est un vrai enjeu de recruter les 100 personnes dont la maison a besoin chaque année ! Je suis pour ma part en charge de la maroquinerie et recrute beaucoup de personnes qui ne sont pas artisans à l’origine. Et même si je n’en ai pas beaucoup dans mon secteur, nous observons que les métiers de l’informatique, les fonctions supports, les managers, fonctions des opérations, les acheteurs, les ingénieurs… le marché est bagarré. Nous parvenons néanmoins à bien recruter : il faut être réactifs car les candidats sont sollicités. Ils choisissent leur entreprise autant que nous les choisissons. La promesse que nous leur faisons doit donc être à la hauteur de leurs aspirations, et ils doivent la retrouver une fois qu’ils sont là.

Justement, comment sourcez-vous et attirez-vous vos talents ?

Nous avons développé récemment notre marque employeur, afin de mettre en avant combien la maison peut offrir de perspectives, de parcours, divers, variés, parfois insoupçonnés. Nous nous sommes en effet rendu compte que dans certains métiers, si on connaît la marque Hermès de nom, on ignore qu’à l’intérieur il y a des ingénieurs de fabrication, des ingénieurs qualité, des techniciens, ou encore qu’il est possible de se développer dans les métiers de la supply chain. Pour le sourcing, nous nous appuyons sur notre site employeur.

En ce qui me concerne, je recrute essentiellement des artisans. Pour ce faire, je travaille particulièrement avec Pôle emploi, un partenaire de longue date, très privilégié. Nous travaillons aussi avec les réseaux sociaux, et faisons appel à des cabinets de recrutement spécialisés. 

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