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Reconversion des femmes dans le numérique : un manifeste pour fédérer les acteurs

Avec près de 150 000 recrutements réalisés en 10 ans, le secteur des métiers du numérique poursuit son développement. Et s'il peine à devenir pleinement mixte, la reconversion est une voie d'entrée dans le numérique qui peut être favorable aux femmes. Dans ce but, Pôle emploi peut compter avec les initiatives de divers acteurs, fédérés autour d'un manifeste.

Publié le  24/01/2022

On le sait bien, le numérique est devenu incontournable dans nos vies. Devenu presque aussi utile qu'une langue, son omniprésence a même donné naissance à un nouveau terme : pour désigner le fait d'être démuni des compétences de base en la matière, on parle ainsi aujourd'hui d'illectronisme. Mais au-delà d'un outil inévitable, le numérique désigne aussi un secteur professionnel qui connaît un développement important.

 

Et si le besoin de ne pas se priver de la moitié des talents de la population apparaît comme une nécessité évidente, les stéréotypes de genre continuent à limiter la place des femmes dans les métiers du numérique, celles-ci occupant à peine un tiers des emplois du secteur.
Ainsi, selon une étude publiée en novembre dernier par Epitech et Ipsos (Observatoire sur la féminisation des métiers du numérique), seulement 33% des filles sont encouragées à s'orienter vers les métiers du numérique, quand c'est le cas pour 61% des garçons. Et parmi les lycéens interrogés, 76% d'entre eux perçoivent le métier d'expert informatique comme masculin.

 

Face à ce constat, en 2019, l'association Social Builder, en partenariat avec le Syntec numérique (syndicat professionnel des entreprises du numérique), aujourd'hui appelé Numéum, publiait un « Manifeste pour la reconversion professionnelle des femmes dans le numérique », dans le but de fédérer les acteurs de l'écosystème numérique, pour faire progresser la mixité dans le secteur. A ce jour, 188 entreprises ont signé ce manifeste, les appelant à mener des actions concrètes.
 

À la découverte du numérique, par la pratique

S'il est une manière souvent efficace de lutter contre les préjugés que l'on peut avoir sur ses propres capacités, c'est bien de passer à l'action. Laurent Mater, chef de projet « innovations numériques » au sein de Pôle emploi Île-de-France, a pu l'observer dans les actions menées pour promouvoir le secteur professionnel du numérique. Ce dernier figure parmi « les sept secteurs les plus en tension en Île-de-France, avec 45 000 postes proposés chaque année, selon la Grande école du numérique ». 

 

Il peut compter sur le partenariat avec Social Builder, notamment via son programme « Horizons numériques ». Sa directrice Emmanuelle Larroque explique : « ce partenariat nous permet de former des femmes, de leur présenter les métiers du numérique pendant une semaine et de travailler leur parcours, mais nous formons aussi les agents de Pôle emploi. Cela nous permet de leur donner à voir l'évolution des métiers, et de les sensibiliser également sur les enjeux d'égalité dans le numérique. Ainsi, nous faisons en sorte que les prescripteurs comprennent pourquoi les femmes ne vont pas spontanément y aller, et qu'ils aient les éléments de langage pour les attirer. »
De quoi favoriser l'encouragement des vocations chez des femmes qui, rappelle Laurent Mater, « ont un parcours professionnel, et qui peuvent combiner leur expérience ou leur formation initiale avec une compétence numérique complémentaire. »
 

Prendre confiance et se former

En 2022, ce sont 3 000 formations qui devraient être proposées dans la région, d'une durée de 6 à 8 mois. « Ce secteur permet des reconversions inclusives, pour des personnes peu ou pas qualifiées, des femmes notamment", explique le chef de projet. Néanmoins, face à un tel projet de reconversion, « les personnes un peu éloignées de l'emploi sont parfois un peu dubitatives et peuvent manquer de confiance en elles », ce qui nécessite « un peu d'empowerment ». Autrement dit, il s'agit de travailler sur les capacités à apprendre pour susciter des vocations, davantage par l'expérience pratique que par la théorie. 

 

Laurent Mater nous raconte un exemple d'atelier mis en place : « Nous avons des ateliers dans les agences locales pour donner la possibilité aux demandeurs d'emploi de créer une application, par exemple, en nocode. Vous arrivez le matin, on vous dit « pourquoi pas travailler dans le secteur du numérique? », et on vous fait réfléchir à la conception d'une application. Vous la réalisez en équipe, ce qui permet de sortir de l'isolement, et à la fin de la journée vous parlez des métiers du numérique. Et on pousse les conseillers à s'ouvrir à tous les profils, au-delà des idées préconçues. »

 

Cela passe donc par l'accent mis sur les « soft skills » ou compétences transverses, comme l'explique Emmanuelle Larroque : "ce qu'on essaye d'expliciter, c'est que les compétences techniques peuvent s'acquérir avec des personnes motivées, qui ont des bonnes compétences socles. La partie technique, elle évolue extrêmement rapidement de toute manière." 
Pour ce faire, l'association a développé un programme de mentorat avec 350 mentors, « un réseau qualifié, avec des femmes qui connaissent bien les codes du métier ».
 

Travailler sur l'attractivité et l'ouverture des entreprises

Si les chiffres témoignent d'une mixité encore trop faible, pour la directrice générale de Social Builder, il y a néanmoins eu des avancées ces dernières années, une « bataille culturelle a été remportée », celle « de l'attractivité des métiers du numérique pour les femmes. » « Elles ont envie d'y aller, et on a besoin de les accompagner sur comment construire un projet professionnel et un parcours dans ces métiers. », explique t-elle.
Mais pour que les projets ne soient pas découragés, le manifeste donne des conseils pour que les entreprises envoient des signaux d'ouverture, dans un chapitre intitulé « Comment devenir attractif.ve pour les profils de femmes en reconversion ? » Parmi les différents aspects portés à l'attention des employeurs, il y a les termes utilisés dans une annonce qui peuvent avoir un effet important, en étant plus ou moins inclusifs, tout comme les visuels utilisés pour représenter une entreprise.

 

Pour Emmanuelle Larroque, la progression des reconversions passe aussi par un travail de persuasion car « aujourd'hui les entreprises vont plutôt aller sur des prérequis de diplômes d'ingénieurs, et les femmes sont moins présentes en formation initiale. Donc il faut leur dire d'aller chercher des profils avec des formations plus larges. » En effet, par définition, les reconversions s'opèrent souvent à un âge assez avancé, « entre 35 et 45 ans, alors que certaines entreprises ont l'habitude de se tourner vers des profils junior », explique Emmanuelle Larroque

 

L'association travaille avec 300 entreprises partenaires qui proposent des offres, et dont les collaborateurs accompagnent des femmes en reconversion, ce qui permet souvent des embauches. 
Pour opérer une reconversion, les voies les plus adaptées sont celles du contrat de professionnalisation, ou encore de la POE (préparation opérationnelle à l'emploi), individuelle (POEI) ou collective (POEC), un dispositif de formation gratuit particulièrement efficace, qui permet aux candidates de devenir stagiaires de la formation continue, avec des droits maintenus par Pôle emploi.
 

Accompagnement et rétention des talents

Selon une étude menée en 2019 aux Etats-Unis par Accenture et Girls Who Code, ce sont environ 50% des femmes qui quittent le secteur du numérique avant l'âge de 35 ans, alors que c'est le cas pour 20% des femmes, dans les autres secteurs. Sur cet aspect des possibilités de mener une carrière dans de bonnes conditions, le manifeste explique que la progression des femmes dans les métiers du numérique passe aussi par le développement d'une culture de l'inclusion. Par exemple via la représentation et la diffusion des parcours de « role model », ces personnalités dont le parcours peut inspirer les femmes et les aider à croire en elles. C'est notamment ce qui a inspiré la création d'un projet comme 50Intech, dont la fondatrice Caroline Ramade témoignait récemment, lors d'une soirée organisée par l'association Diversidays.
Autant d'initiatives qui laissent espérer que les femmes puissent bientôt prendre une place à leur mesure dans les métiers du numérique.

 


Pour aller plus loin :
le site du manifeste : https://www.reconversionfemmesnum.com/

Lire aussi : 
la diversité dans les start-up 

A écouter : notre série de podcasts « les femmes dans la Tech »
 

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