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Secteur de la santé et du soin à domicile : une quête d’attractivité pour des métiers qui font sens

Réponse avec Carine Ryckeboer, responsable emploi & formation chez Adédom, fédération œuvrant dans l’aide, le soin à domicile et les services à la personne.

Publié le  05/04/2022

Entendue sur la revalorisation salariale et la reclassification des métiers, la branche de l’aide à domicile a à cœur de poursuivre ses actions en faveur de son attractivité et de l’emploi. Comment pallier la pénurie de recrutement dans le secteur associatif à l’heure où s’accroissent les besoins de la population ?

Pouvez-vous nous parler d’Adédom et des métiers représentés par la fédération ?

Adédom représente 350 associations et organismes gestionnaires à but non lucratif. Nous comptons parmi les quatre grandes fédérations nationales et unions d’employeurs membres de l’Union syndicale de branche (USB-Domicile*) des activités sociales, médico-sociales, sanitaires et de services à domicile, l’équivalent de 5 000 structures et près de 226 000 salariés.

Adédom couvre cinq métiers phares ajoutés aux métiers de l’encadrement et administratifs : aide-soignant H/F et infirmier H/F (en centre de soin infirmier ou en service de soin et d’intervention à domicile (SSIAD) ; auxiliaire de vie sociale ou accompagnant éducatif et social H/F œuvrant dans l’accompagnement de la perte d’autonomie ; enfin, l’aide à domicile H/F ou encore technicien de l’intervention sociale et familiale H/F (TISF), qui intervient auprès des familles en difficulté en tant qu’accompagnant ou médiateur social.

La méconnaissance de ce métier est l’un des paramètres qui explique sa pénurie, et par ricochet, les engagements en formation, bien qu’il s’agisse d’un métier d’accompagnement social à part entière.

À combien se chiffrent les besoins en emploi dans ce secteur ?

En 2020, le nombre de postes à pouvoir pour les réseaux de l’USB était estimé à 20 000, incluant 16 000 aides à domicile qualifiés et non qualifiés, 1 600 aides-soignants a minima, 600 techniciens en intervention sociale et familiale, 500 responsables de secteur, mais également de nombreux infirmiers.

Au total, selon le rapport El Khomri (2019), près de 93 000 postes supplémentaires devront être créés à échéance 2024. Pour pourvoir les postes vacants, 260 000 professionnels devront être formés, notamment pour remplacer les départs en retraite, répondre aux besoins croissants de la population et à l’évolution démographique. Des métiers du soin aux fonctions support, toute la chaîne est en tension.

La demande est là, mais le secteur peine à recruter, pourquoi ?

Ces métiers souffrent encore d’un déficit d’image, souvent perçus à tort comme très physiques ou instables. Au-delà des initiatives de la branche pour casser les idées reçues – 86 % des salariés de l’aide à domicile sont en CDI – l’attractivité financière reste le nœud du problème, et naturellement notre premier combat pour attirer, faire évoluer et fidéliser les salariés.

Porté par l’ensemble des partenaires sociaux de la branche, ce travail de longue haleine a abouti à l’agrément de l’avenant 43 par l’État portant sur la révision de la classification des emplois et du système de rémunération des salariés.

Quel est le virage pris par le secteur depuis sa revalorisation, engagée en octobre 2021 ?

L’avenant 43 à la convention collective induit un nouveau système de classification plus attractif, visant à faciliter les parcours, favoriser l’évolution professionnelle, reconnaître l’expérience et l’acquis des compétences, à l’opposé d’un système qui était auparavant lié uniquement au diplôme sans aucun levier de revalorisation. Cela fait des années que la branche consacre deux fois plus que le taux légal à la formation professionnelle.

Cela nous permet d’inciter les candidats à postuler sans diplôme, afin d’être formés et de monter en compétences. Cette politique de professionnalisation volontariste est toujours d’actualité, malgré des contraintes logistiques persistantes : aujourd’hui, la crise des vocations est telle qu’il reste difficile de remplacer un salarié en formation, d’où le besoin impérieux d’embaucher pour qu’il profite de ces opportunités.

Son application est-elle selon vous optimale ?

Si nous nous félicitons de cet accord historique, accéléré par l’impact de la crise sanitaire et sa mise en lumière de nos métiers, des trous dans la raquette subsistent. Les rémunérations ont certes été revalorisées de 10 à 16 % en moyenne – variable selon les métiers et leur niveau de qualification – mais leur application reste épineuse pour les départements (financeurs des structures non lucratives), dont la capacité budgétaire est contrainte.

Certaines structures sont aujourd’hui sur le fil du rasoir, heureuses d’appliquer ces augmentations sans pour autant être financées pour cela, sans compter les aléas conjoncturels tels que l’augmentation de prix du carburant… Autant de casse-têtes à résoudre pour en recueillir tous les bénéfices.

Comment les acteurs associatifs cherchent-t-ils à faire bouger les lignes ?

L’organisation des structures représente un vrai levier d’attractivité, directement lié à la santé, au bien-être et à l’équilibre des salariés. En donnant plus de responsabilité et d’autonomie aux équipes, nous favoriserons la qualité de vie au travail.

Des expérimentations ont déjà porté leurs fruits, les employeurs ayant pris conscience que la transformation du secteur devait passer par de nouvelles approches du terrain et des compétences.

Que privilégient les recruteurs aujourd’hui pour doper l’emploi ?

Ce qu’il faut garder en tête, c’est que l’on peut intégrer la branche sans diplôme. Les compétences techniques sont faciles à acquérir avec l’expérience et les formations. Le savoir-être est donc un critère privilégié par les recruteurs, qui se tournent de plus en plus vers des personnes éloignées de l’emploi, via des stratégies d’accompagnement social ; cela implique de travailler sur l’accompagnement à la mobilité (crucial en zone rurale), le savoir-être et les connaissances de base.

Pour y parvenir, nous favorisons les démarches partenariales dans les territoires et l’accompagnement des nouveaux entrants, en s’appuyant sur les dispositifs tels que la Période de mise en situation en milieu professionnel (PMSMP), la Préparation opérationnelle à l'emploi individuelle/collective (POEI/POEC) et les contrats en alternance.

L’attractivité passant par une meilleure connaissance des métiers, quelles actions de sensibilisation menez-vous, notamment avec Pôle emploi ?

La communication autour de nos métiers de la santé, de l’accompagnement et du soin est fondamentale, qu’elle soit à l’échelle ministérielle**, des territoires ou des acteurs de l’emploi. Avec Pôle emploi, nous poursuivons notre mission de promotion des métiers en région, tout en relayant auprès de nos adhérents les événements type salons et job-dating.

Au niveau local, des initiatives telles qu’un « vis ma vie » ont également permis à des conseillers Pôle emploi de se mettre dans la peau d’un auxiliaire de vie pendant une journée, une belle manière de cerner les besoins de ce métier.

À quels enjeux globaux la branche doit-elle faire face aujourd’hui ?

L’attractivité des métiers est une question de survie, un enjeu de société. Au-delà du besoin humain, nous avons démontré que l’investissement dans la prévention et l’accompagnement à domicile, grâce au secteur associatif, permettait de vraies économies dans la prise en charge et l’accompagnement des personnes.

Si la crise a été un révélateur des besoins et de l’utilité de ces métiers, et malgré les signaux très positifs portés par l’avenant 43, du chemin reste à parcourir pour reconnaître pleinement ce secteur à sa juste valeur.

* USB-Domicile regroupe des structures prestataires à but non lucratif qui ont pour activité principale mission d'assurer aux personnes physiques toutes formes d'aide, de soin, d'accompagnement, de services et d'intervention à domicile ou de proximité. Fédérations réunies : ADEDOM, ADMR, FNAAFP/CSF, UNA.

** Voir la toute dernière campagne du ministère de la Santé (mars 2022), focalisée sur les besoins urgents en aides-soignants, infirmiers, éducateurs spécialisés et accompagnants éducatifs spécialisés H/F.

En chiffres

79,1 % : C’est la part de la population âgée de 60 ans et plus bénéficiaires de l’APA au 31 décembre 2019, soit 1,3 million de personnes sur une population de 60 ans et plus estimée à 17,5 millions.
Sources : DREES, enquête Aide sociale des départements ; INSEE, estimations de population.

65 % : du personnel est qualifié dans les métiers de l’aide à domicile
Source : USB-Domicile

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