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Les EdTech : le numérique au cœur de l'expérience d'apprentissage

Si elles ont le vent en poupe depuis plusieurs années déjà, les « EdTech » ont connu une forte impulsion ces dernières années, renforcée par le contexte de crise sanitaire et d’extension du télétravail.

Publié le  03/01/2023

Et s’il y est un acteur qui observe de près le développement de cet écosystème, c’est bien EdTech France. Créée en 2017 à l’initiative d’un ensemble d’entrepreneurs, l’association vise à développer les synergies entre ces nouveaux acteurs liant formation et nouvelles technologies. Afin de mieux comprendre cet univers professionnel foisonnant, nous sommes allés à la rencontre de Anne-Charlotte Monneret, directrice générale d’EdTech France.

 

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Ces dernières années, on entend de plus en plus parler de l’« EdTech ». Comment peut-on définir la notion d’« EdTech » et le spectre de ce secteur professionnel ?

Alors que le terme d’« EdTech » (ndlr : contraction des mots « éducation » et « technologie ») est apparu dans la littérature anglo-saxonne dès 2006, ce n’est que depuis deux ans, du fait de la crise sanitaire, qu’il est très employé en France. L’« EdTech » désigne les entreprises qui utilisent le numérique pour améliorer l’expérience d’apprentissage, que ce soit côté formateur/enseignant ou côté apprenant/élève.

Il s’agit d’une définition large qui comprend des outils davantage accès sur l’« ed » que la « tech », et d’autres plus « tech » qu’« ed », parmi lesquels des applications, des plateformes, des « contenus sur étagères », des outils de réalité virtuelle ou augmentée, des contenus vidéos, audios, et toutes ces solutions qui permettent de transmettre ou d’agréger du contenu de manière innovante.

Il y a autant d’applications de l’« EdTech » que d’outils : certains sont pédagogiques, d’autres simplifient les processus d’apprentissage ou bien visent la simplification du fonctionnement administratif des établissements. En France en 2021, la filière « EdTech » représente un peu plus de 500 entreprises, 10 000 emplois, un total de levées de fonds de 415 millions d’euros et un chiffre d’affaires global de la filière de 1,3 milliard d’euros.

 

Quelles sont les grandes composantes de l’« EdTech » ?

Trois segments de marché constituent l’« EdTech ». Le premier est relatif à la formation initiale et comprend les entreprises « EdTech » du scolaire, du périscolaire et du parascolaire. Ensuite, le deuxième segment de marché englobe celles qui proposent des outils pour l’enseignement supérieur, public ou privé.

Enfin, il y a tout ce qui est formation continue, avec des outils destinés aux grands groupes aussi bien qu’à des TPE, PME, ou encore aux régions, à Pôle emploi et à des acteurs du BTC (« business to consumer ») de manière directe.

Le secteur de la formation professionnelle s’est fortement développé dans l’« EdTech » ces derniers mois, conséquence de la crise sanitaire d’une part et de l’essor du CPF, qui permet à chacun de se former, dans un contexte favorable de relance, d’autre part.

 

Quelle est la mission d’EdTech France ?

L’objectif est de fédérer toutes ces entreprises, partager les bonnes pratiques, favoriser les partenariats entre elles, et faire rayonner leurs savoir-faire auprès des acteurs traditionnels de l’éducation et de la formation : écoles, organismes de formation, collectivités, établissements du supérieur, etc.

Il s’agit également de diffuser le message que le numérique peut participer à une meilleure expérience d’apprentissage, et faire rayonner ces savoir-faire français à l’international. Par ailleurs, nous avons des activités de lobbying auprès des différents ministères et opérateurs de l’État pour suivre la mise en place des appels à projets qui concernent notre filière, et nous positionner en tant qu’experts pour que le lien soit bien fait avec notre écosystème et le terrain, et favoriser la mise en place de consortiums pour y répondre.

 

« La formation est désormais perçue comme quelque chose au long cours c’est un changement culturel important ».


Comment décririez-vous les effets de la crise sanitaire et l’évolution du secteur ces dernières années ?

L’évolution du secteur est extrêmement favorable à la formation, grâce à l’essor du CPF et à la prise de conscience que le numérique transforme les métiers : les compétences deviennent vite obsolètes et se former à de nouveaux métiers est indispensable.

On comprend toute l’importance de la formation pour assurer cette transition, aussi bien sur le plan économique que social. L’investissement de plus de 2 milliards d’euros - prévu dans le cadre du plan de relance « France 2030 » - sur ces sujets de formation est un bon marqueur du dynamisme de cet écosystème.

La crise de la Covid a également abouti à une réorganisation des modes de travail et à un changement du regard porté sur la formation. Elle est désormais davantage perçue comme une opportunité à long terme, inscrite dans le quotidien de tous les salariés : c’est un changement culturel important.

 

Quelles sont les tendances qui devraient particulièrement marquer les prochaines années ?

L’essor de l’intelligence artificielle, et le fait que le « machine learning », l’« adaptative learning » soient de plus en plus poussés sont des éléments structurants pour l’« EdTech ». Nous allons vers des outils en ligne toujours plus adaptés au profil des apprenants, qui évoluent selon la courbe de développement technologique.

Ensuite, l’apport des sciences cognitives et des neurosciences est considérable et permet le développement d’outils qui suivent les avancées de la recherche en termes de pédagogie. L’essor de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée est elle aussi une tendance majeure.

Ces nouvelles technologies permettent de sensibiliser et former aux « soft skills », mais également aux pratiques techniques et dangereuses, par exemple. Enfin, il y a une course internationale à la souveraineté dans le développement d’outils nationaux et systémiques. Il est urgent de développer des canaux de formation innovants et massifs pour être auto-suffisants sur ces aspects car plus que jamais, le numérique s’impose comme un enjeu régalien.

 

L’« EdTech » suscite-t-elle davantage l’évolution des métiers ou l’émergence de nouvelles professions ?

Je ne parlerai pas tant de nouveaux métiers, que de l’essor de celui d’ingénieur pédagogique ou « digital learning manager ». C’est la personne capable d’agréger des contenus de formation de manière dynamique, innovante et pédagogique, pour les rendre les plus efficaces possibles.

Ensuite, en termes de nouveaux métiers liés à cet essor du numérique, on peut citer les postes RSE, qui intègrent tous les aspects relatifs à l’éthique dans le numérique. Au-delà du cadre RGPD, il s’agit d’étudier et encadrer les effets de la numérisation d’une structure sur les modes de travail, les relations humaines, etc.

Cela est géré par les RH, mais, et de plus en plus, pris en charge par des postes RSE, pour que la numérisation du monde du travail se fasse de la manière la plus responsable possible.

 

Comment l’univers de l’« EdTech » est-il perçu au sein de l’école publique ?

La perception est plutôt bonne, il y a beaucoup d’initiatives locales qui facilitent les synergies entre collectivités et « EdTech », notamment dans l’académie de Poitiers, de Bordeaux, de Limoges, de Rennes, de Montpellier ainsi que de Marseille.

La perception des outils numériques par les enseignants et les parents s’est améliorée à la suite de la pandémie. Évidemment, des enjeux de continuité pédagogique ont vu le jour, mais le numérique est davantage envisagé comme un outil permettant le renouvellement pédagogique, par les autorités publiques et les enseignants.

Cependant, des améliorations structurelles d’achats de ressources numériques restent à mener, pour donner une véritable liberté pédagogique et financière aux établissements.

 

« On a une expertise extrêmement pointue en termes de pédagogie et d’enseignement « à la française ».


Est-ce que cela est lié au fait que ces outils leur permettent d’innover pédagogiquement, comme par exemple avec la pratique de la « classe inversée » ?

Oui, en partie. Le numérique peut faire gagner du temps aux enseignants sur des tâches à plus faible valeur ajoutée. En effet, il leur permet d’améliorer la différenciation dans leur pratique donc la capacité à personnaliser les apprentissages pour chaque élève.

De plus, le numérique leur donne des idées d’activités plus collaboratives. Cela leur simplifie également la communication avec les parents, et la conduite de projets avec d’autres enseignants. Désormais, de nombreuses choses sont possibles à partir du moment où c’est l’enseignant qui s’en saisit, et qu’on ne lui impose pas un outil ou une pratique.

 

Comment envisagez-vous le secteur de l’« EdTech » dans les années à venir ?

Le secteur est en très forte croissance, beaucoup d’entreprises se créent et lèvent des fonds. En conséquence, je pense que cette dynamique va s’intensifier. Le secteur va également se structurer : des entreprises en rachètent d’autres et la filière gagne en maturité. Un enjeu de taille porte sur notre capacité à exporter nos solutions vers les pays d’Afrique francophone, qui ont de réels besoins de structuration au sein de l’écosystème de la formation. Enfin, la course au « progrès technique » est centrale, il ne va pas falloir se faire distancer par les États-Unis, la Chine ou l’Inde sur ces aspects. On a une expertise extrêmement pointue en termes de pédagogie et d’enseignement « à la française », et cela nécessite de vrais soutiens financiers, à la fois publics et privés. Il faut impérativement que le numérique devienne une priorité du gouvernement au sein de chaque ministère, de chaque secteur d’activité, et des programmes scolaires, afin de favoriser le développement d’une culture numérique française, permettant à nos enfants de décrypter librement, le monde de demain.


Pour aller plus loin :
•    le site d’EdTech France : edtechfrance.fr/
•    EdTech France, le podcast : https://podcast.ausha.co/edtech-france-le-podcast
 

 

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