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Métiers de la mer : à renfort d’équipage

Organe de promotion et d’attractivité des métiers de la mer, CINav est à tous les vents. Sa mission : se faire la passerelle entre les jeunes, les demandeurs d’emploi et les industriels de la filière, pour accompagner et répondre aux dizaines de milliers d’emplois annuels générés par la croissance bleue. À l’occasion de la semaine de l’emploi maritime, Lénaïc Segalen, sa présidente, nous dresse les grands enjeux d’une industrie d’avenir qui emploie à tour de bras.

Publié le  29/03/2023

 

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CINav a été créé en 2018 pour répondre à la croissance du secteur maritime français. Rappelez-nous sa vocation ?

Si l’on devait nous résumer en deux mots, je dirais que nous sommes un facilitateur d’emplois, sur l’ensemble des composantes de la filière des industries maritimes, à savoir le naval (civil et militaire), le nautisme et les énergies en mer. La mission actuelle de CINav est la même qu’à l’origine : accompagner la forte croissance de la filière sur le volet emploi, formations et compétences, et répondre aux besoins dans quasiment tous ses métiers. La tension sur les ressources est en effet devenue une préoccupation majeure, et c’est encore plus vrai en 2023, notamment dans l’industrie. Nos prévisions se portent sur 72 000 recrutements d’ici 2030, dont 22 000 créations nettes d’emplois. 

 

« La tension sur les ressources est en effet devenue une préoccupation majeure, et c’est encore plus vrai en 2023, notamment dans l’industrie. Nos prévisions se portent sur 72 000 recrutements d’ici 2030, dont 22 000 créations nettes d’emplois. »


Quels phénomènes expliquent cette pénurie ?

La désindustrialisation de la France explique en partie la défection générale pour les filières industrielles, et notamment des jeunes apprenants vers les formations qui adressent nos métiers. En parallèle, le carnet de commandes se remplit, entraînant une forme de compétition entre toutes les filières, dont les besoins se portent sur les mêmes métiers. Ajoutez la hausse du budget de la Défense pour 2024, la construction de nouveaux EPR dans le nucléaire ou encore la diversification énergétique…, toutes ces ambitions font appel à un besoin de main-d’œuvre colossal.    

 

« Toutes ces ambitions font appel à un besoin de main-d’œuvre colossal »,


Un palmarès des métiers les plus en tension au sein de la filière ?

En tête des 27 métiers identifiés comme les plus en tension (voir encadré), on retrouvera les soudeurs, les chaudronniers et les techniciens de maintenance, suivis des dessinateurs-projeteurs, des accastilleurs dans le nautisme, des menuisiers d’agencement nautique, des opérateurs matériaux composites, des techniciens méthode ou éoliens offshore dans les énergies en mer, ou encore des électriciens dans le naval et le nautisme. Mais les enjeux ne se limitent pas uniquement aux profils opérationnels de production ; ils s’étendent également aux métiers du numérique, tels qu’architecte logiciel, data scientist, ingénieur et technicien en cybersécurité…, pour lesquels nous envisageons un partenariat avec France Cyber Maritime, qui promeut l’excellence française en cybersécurité maritime en Europe et à l’international. 

 

Comment se traduit votre action en matière de promotion et d’attractivité des métiers, votre premier axe opérationnel ?

L’objectif est d’aller à la rencontre d’un public de collégiens, lycéens et demandeurs d’emploi, de leur présenter les différents métiers, les formations associées et de susciter des vocations. Notre flagship, le Navire des métiers à Brest, offre une plongée en immersion dans l’univers des industries de la mer, un parcours pédagogique qui permet à chacun d’être acteur de sa démarche via des vidéos métier, de la réalité virtuelle, etc.

Le roadshow du Navire des métiers se déploie également dans les territoires partenaires lors d’événements maritimes et de salons d’orientation et d'emploi, principalement dans les régions littorales et en Île-de-France. Sur l’année 2022, plus de 10 000 échanges ont été générés avec les scolaires et les demandeurs d’emploi, mais aussi avec les prescripteurs tels que Pôle emploi, les missions locales et les enseignants. Fondamental, ce travail sur le sourcing à grande échelle nous permet de convaincre près de 35 % de demandeurs d’emploi intéressés par la filière. 

 

Satisfaire les besoins de recrutement passe-t-il par l’adhésion d’un plus large public ?

La promotion de l’emploi féminin dans l’industrie de la mer concourt tout à fait à cet enjeu. À ce jour, les femmes représentent seulement 24 % des emplois dans cet univers. Encore très loin de la mixité, nous sommes convaincus qu’en élargissant le sourcing aux femmes, nous pourrons davantage pourvoir aux besoins. L’attractivité de nos métiers passe également par le déploiement de dispositifs innovants, à l’instar d’un nouvel outil d’orientation numérique qui permettra au public de naviguer dans un environnement métier dynamique et de découvrir les formations de manière ludique et interactive. 

 

En quoi consiste l’ingénierie pédagogique développée par l’association, son second levier opérationnel ?

Cet axe passe par un état des lieux des formations existantes qui adressent nos 27 métiers en tension. Il ne s’agit pas de créer de nouvelles formations, mais bien de venir enrichir le contenu créé en partenariat avec les industriels. On appelle ça la démarche de « coloration maritime » des diplômes existants. Et elle porte ses fruits : nous recensons cette année 119 formations labellisées « by CINav », contre 15 en 2021.

Pour obtenir ce label, les organismes passent par un autodiagnostic, une grille d’évaluation correspondant à l’exigence du CINav et de ses partenaires industriels. Un audit est ensuite réalisé pour accompagner les structures. 

C’est aussi dans cette logique que nous avons lancé en 2022 un outil de e-learning équivalent à 32 heures d’acculturation maritime. Composé de différents modules, comme le cycle de vie du navire, la cybersécurité, le vocabulaire à bord d’un navire…, il doit être dispensé par un organisme labellisé « by CINav » en vue de délivrer un certificat de connaissance des industries de la mer. Créée dans le cadre du projet DIGI4MER, cette solution illustre notre engagement dans la digitalisation de la formation professionnelle et notre capacité à s’adapter aux usages des nouvelles générations. 


 

Quelles sont les garanties de cette « marque de fabrique » ?

Ce label fait surtout l’objet d’un engagement réciproque entre CINav et les organismes de formation, qui ne l’oublions pas, sont également sollicités par d’autres branches. Notre mission est de s’assurer que les apprenants disposent d’un terrain d’apprentissage favorable, notamment en alternance, et d’un emploi à la clé.

Les industriels sont embarqués dans cette démarche, 90 % des besoins en alternance sur les métiers adressés par les formations labellisées doivent être pourvus dans les entreprises partenaires, au même titre que l’emploi des profils junior. Aujourd’hui, le nombre d’organismes labellisés est suffisamment significatif pour aboutir à de bons résultats. L’objectif est d’atteindre un millier d’apprenants en sortie de « by CINav » d’ici fin 2023, 2 000 l’année prochaine. 

 

« L’objectif est d’atteindre un millier d’apprenants en sortie de « by CINav » d’ici fin 2023, 2 000 l’année prochaine. »


Les métiers de la mer étant concentrés dans les bassins d’emploi des régions littorales, n’est-ce pas un frein en termes de mobilité pour les apprenants et les candidats ?

Si les régions du littoral sont devenues plus attractives, notamment depuis la crise sanitaire, il est certes avéré que les populations d’ouvriers et de techniciens sont généralement peu mobiles, une problématique à laquelle s’ajoute la hausse du coût de l’immobilier dans certains territoires maritimes. C’est pourquoi nous travaillons à rapprocher l’appareil de formation au plus près de l’utilisateur final, avec une approche par territoire et en fonction des bassins d’emploi. Sur ce sujet, CINav n’a pas de baguette magique… mais des initiatives sont prises par certaines entreprises en matière d’accompagnement à la mobilité, d’aide au logement et d’installation. 

 

Comment préparez-vous l’avenir, comme le souligne votre troisième axe stratégique ?

Cette démarche englobe à la fois notre capacité à monter des projets collaboratifs pour répondre aux besoins en compétences, mais aussi le futur du CINav, qui doit œuvrer à la consolidation d’un modèle financier pérenne. Sur le volet collaboratif, auquel CINav est soit acteur, soit contributeur, nous avons par exemple pris part au projet CEMAFOM, un diagnostic de compétences dans le secteur des grands fonds marins, ou encore initié une démarche dans le cadre de l’AMI CMA, « FORTEIM », un projet de formation à la transition éco-énergétique maritime avec 15 autres partenaires.

Comme nous l’avons fait à travers notre outil de e-learning, l’idée globale est d’acculturer l’ensemble des industries de la mer à cet enjeu majeur. À l’échelle politique, par ailleurs, nous avons été mandatés par le comité stratégique des filières des industries de la mer pour le représenter au Conseil national de l’industrie, une responsabilité qui induit un travail interfilière constructif et enrichissant. 

 

Lire aussi : la 7e édition de la Semaine des métiers du maritime et du fluvial

 

La semaine de l’emploi maritime est imminente. Quels sont vos grands rendez-vous ?

Notre Navire des métiers, à Brest et partout dans les régions partenaires, se prépare à recevoir du public en nombre. Durant ce grand temps fort, nous allons également inaugurer avec Pôle emploi un salon en ligne national sous la bannière « les industries de la mer recrutent », une plateforme numérique innovante de mise en relation des demandeurs d’emploi avec les industriels.

Cet outil se fera le relais d’événements de recrutement limités dans le temps autour de thématiques spécifiques, une opportunité de valoriser nos métiers, de proposer des offres d’emploi, d’organiser des entretiens dématérialisés. Un avantage certain pour les candidats en recherche, et un vrai gain de temps pour les entreprises. 

 

Quel partenariat au long cours menez-vous avec Pôle emploi ?

Partie intégrante de la gouvernance du CINav, Pôle emploi participe activement à la vie de l’association, notamment sur le volet promotion et attractivité des métiers. Représenté au sein de notre fief brestois, l’établissement est également présent lors d’événements maritimes. À l’avenir, l’objectif est de renforcer ce partenariat pour sourcer davantage de candidats aux formations, certaines ne pouvant parfois pas se tenir faute d’un nombre insuffisant d’apprenants. Ce phénomène croissant est à prendre à bras-le-corps, conjointement, via de nouvelles synergies, pour répondre à une ambition commune. 

 

« Le sourcing à grande échelle permet de convaincre près de 35 % de demandeurs d’emploi intéressés par la filière »


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