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France Travail s'engage pour plus d'inclusion et de diversité dans le numérique

Le monde de la Tech doit faire face à un challenge de taille : agir pour plus de diversité et d’inclusion. En forte évolution, le secteur connait une pénurie de talents et touche de nombreux corps de métiers. Dans ce contexte, quelles actions mener pour attirer une diversité de profils et encourager les recruteurs à revoir leurs pratiques ? Rencontre avec Anaïs Crouzet, experte régionale sur le numérique.

Publié le  23/01/2024

Comment expliquez-vous aujourd'hui le manque de mixité de profils dans le secteur du numérique ? Comment en sommes-nous arrivés là ?

Les métiers de la Tech qui recrutent le plus sont des métiers techniques. Le cliché de l’homme geek à capuche n’est pas si faux et les femmes ne représentent que 26,9 % des effectifs dans ce secteur. Elles ont tendance à s’autocensurer et ne se positionnent pas sur ces métiers, quand on ne les censure pas. J’ai récemment lu dans un article du Courrier international, « Nos données nous trahissent », que Facebook ne montrait pas les offres d’emploi dans les métiers technologiques aux femmes. 

L’autre explication est que le critère du bac + 5 n’est pas un mythe, c’est une réalité bien ancrée et une attente des recruteurs sur certains métiers. Pourtant, d’autres profils de diplômés bac + 3 peuvent se reconvertir et tous les métiers du numérique ne requièrent pas ce niveau de diplôme. C’est là que les portes sont à ouvrir en grand à des publics à première vue éloignés des attendus.

Le manque de diversité et de mixité prive le secteur de talents dont il aurait bien besoin. Autre effet collatéral : il y a un risque de biaiser fortement la conception des produits, des services. Pour qu’ils correspondent au plus grande nombre, il faut que tout le monde puisse y prendre part. 

Concrètement, comment s'y prendre ?

Nous menons plusieurs actions de front pour travailler le volet recrutement avec les entreprises et susciter des vocations chez les demandeurs d’emploi et les former.

Nous proposons aux recruteurs des plans de formation adaptés pour chaque profil souhaité et mettons en place les bons leviers. Généralement ce sont des actions de formation préalables au recrutement (AFPR) ou des préparations opérationnelles à l'emploi (POE). Ces formations permettent aux entreprises de recruter plus facilement des profils atypiques en les formant directement au sein de l’entreprise. C’est ce que fait SPIE à Aix-en-Provence depuis 5 ans avec nous.

Nous misons aussi beaucoup sur le « upskilling » de compétences. Par exemple, un expert-comptable est un profil parfait à accompagner vers un poste de data analyst. Il a les compétences socles, il faut juste les adapter aux particularités des métiers du numérique.

Dans tous les cas, on ne peut pas agir seul. Avec Numéum, les French tech, le Medef, le Conseil régional ou encore Google, nous agissons collectivement sous différentes formes pour inciter les entreprises à s’ouvrir à d’autres profils. Par exemple, ce qui nous a intéressés dans le programme Google Career Certificates, outre la possibilité d'offrir des certificats à 1 000 demandeurs d'emploi de notre région, c’est le consortium d'entreprises de Google qui s'engage à étudier de manière positive les candidatures des demandeurs d'emploi certifiés sur l'un des quatre métiers concernés par le programme. Les entreprises reçoivent les candidats en entretien et nous les encourageons à accueillir ces personnes en immersion professionnelle. 

Ouvrir le secteur à d’autres profils passe naturellement par la volonté des entreprises de jouer le jeu. Certaines sont très impliquées. Prenons l’exemple d’Avencode sur Nice. Cette entreprise du secteur numérique compte dans ses effectifs 75% de travailleurs handicapés. Elle organise des immersions avec des demandeurs d'emploi en situation de handicap pour préparer le terrain pour une formation, une reconversion, voire une embauche chez un client de l’entreprise. Dernièrement, deux collaborateurs d'Avencode présentés par France Travail ont été recrutés par Airbus Hélicoptère. 

Aujourd’hui le secteur manque de candidats et nous jouons un rôle essentiel pour susciter des vocations et former les demandeurs d’emploi. Tous types de profils. Les femmes lors de leur cursus scolaire ne sont pas forcément encouragées à aller vers cette filière. Or elles en ont envie ! Nous le constatons régulièrement lors des journées de découverte immersive des métiers du numérique que nous organisons : on a à peu près 50% de femmes. Faire découvrir les métiers avec des exercices pratiques permet de les désacraliser. 

Pour ouvrir les métiers de la Tech aux femmes, nous travaillons avec plusieurs organismes de formation. Sur Nice, le Wagon propose Women Coders, une formation au développement Web, à la data analyse et la data science. A Marseille, nous avons invité des femmes issues des quartiers prioritaires de la ville à participer au programme des Décodeuses. A mon grand étonnement, il y avait beaucoup de femmes qui voulaient s'orienter vers les métiers de la cybersécurité, qui souffrent d'une image Tech compliquée. J'ai vu des femmes passionnées.

Inclusion et diversité sont également les bonnes étoiles des Déclics numériques proposés par Diversidays. Pour le déploiement dans notre région, nous avons fait le choix de proposer la formation à des publics en milieu rural. De nombreux métiers du numérique peuvent s’exercer 100% en télétravail ce qui permet de créer de l’emploi local et de répondre aux besoins de recrutement. Le télétravail est un facteur d’inclusion.

Dans tous les cas, la formation est clé. C’est un levier d’émancipation professionnelle. Ça prend du temps de mettre en place et de suivre des parcours sur mesure, mais notre approche est guidée par une volonté forte de permettre à tous de tester ces métiers et de s’y reconvertir.

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