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Christelle Brua : du CFA de Sarrebourg aux cuisines de l'Elysée

Après seize années aux côtés de Frédéric Anton, autre surdoué de la cuisine made in Lorraine, dans son restaurant triplement étoilé, Le Pré Catelan, la cheffe pâtissière sarrebourgeoise a rejoint en 2019 les cuisines de l'Elysée. De ses années d’apprentissage au CFA de Sarrebourg en Lorraine, elle garde le goût d’une cuisine à la fois précise et créative. Interview d’une meilleure apprentie de Moselle devenue, en 2018, meilleure pâtissière de restaurant au monde… sans aucun diplôme en pâtisserie.

Publié le  21/05/2021

Du CFA de Sarrebourg à l'Elysée, vous avez un parcours aussi étonnant qu'atypique. Bac littéraire en poche, vous décidez de changer d'orientation ?

Moi je rêvais d'être styliste. J'avais postulé aux écoles Boule et Condé mais ces formations étaient trop chères. Mes parents étaient restaurateurs et je me sentais plutôt bien dans leur restaurant. Le jour où je leur ai annoncé que je ne voulais plus être styliste mais plutôt les aider, ils étaient heureux. Pourtant, à l'époque, le métier de cuisinier n'avait pas forcément une bonne image. Les filières technologiques n'étaient pas spécialement bien vues. C'était davantage une voie de garage. Quand je suis arrivée au Centre de formation des apprentis de Sarrebourg (Moselle), les professeurs étaient un peu surpris, notamment par mon niveau. Ils craignaient que je m'ennuie dans certaines matières. Et ils avaient raison ! J'en ai du coup profité pour travailler davantage sur la technologie culinaire et la pratique.

«Le CFA m'a donné les clefs pour comprendre les produits, le travail, le développement artistique... J'étais très assidue durant les cours. Pour mon alternance, je choisissais des maisons avec des réputations exigeantes comme Le Soldat de l'An II à Phalsbourg».


Qu'est-ce qui vous a séduit dans ce métier de cuisinier ?

Déjà, on va à l'école tout en étant payés. Quand on est jeune et qu'on arrive dans la voie active, c'est plutôt intéressant. Au-delà de ça, c'était un moyen pour moi de m'exprimer. Comme avec un morceau de tissu, je pouvais faire de belles choses avec des aliments. J'ai attaché énormément d'importance à la maîtrise des bases. On commence par les taillages, les soupes etc. Une fois que j'ai assimilé tout ça, pendant les cours de travaux pratiques, je laissais s'exprimer mon sens artistique. J'ai préparé un CAP cuisine, un BEP cuisine et un brevet professionnel en cuisine également. Le CFA m'a donné les clefs pour comprendre les produits, le travail, le développement artistique... J'étais très assidue durant les cours. Pour mon alternance, je choisissais des maisons avec des réputations exigeantes comme Le Soldat de l'An II à Phalsbourg. Ou encore L'Arnsbourg à Baerenthal. L'établissement de Jean-Georges Klein avait deux étoiles et cherchait à obtenir la troisième. Il y avait des challenges et des professionnels très compétents. Tout ça permet aux jeunes apprentis, comme moi à l'époque, d'évoluer. J'ai toujours eu envie d'apprendre. Je posais toujours des questions à mes chefs même si quelquefois elles étaient un peu sottes. Tout cela m'a permis d'avancer, peut-être un peu plus vite que les autres. Et aujourd'hui, je suis cheffe pâtissière sans avoir de diplôme en pâtisserie ! Et ça n'a jamais été un problème dans mon parcours. Au Pré Catelan par exemple, Frédéric Anton m'a permis d'exercer à la fois la cuisine et la pâtisserie.

Qu'est-ce que vous diriez aujourd'hui aux jeunes pour leur donner envie de s'engager dans les métiers de la restauration et dans l'apprentissage ?

Ce sont des métiers où on peut construire de vrais beaux parcours professionnels. Mais il faut être motivé ! C'est quelque chose qu'il faut avoir en soi. C'est un métier de rigueur et de passion. Il faut aimer travailler. Quand j'ai commencé, je n'aurais jamais cru arriver un jour à l'Elysée. A chaque fois que j'ai intégré une maison, j'allais jusqu'au bout de mon contrat. J'obtenais mon diplôme, j'intégrais une autre maison et ainsi de suite. Tout ce que je pouvais prendre comme connaissances, comme geste technique, je le prenais. L'alternance, l'apprentissage c'est vraiment un plus. Moi, j'ai toujours eu besoin de sentir la matière. Encore aujourd'hui, je suis incapable de parler d'une recette, il me faut les produits entre les mains. C'est une sensation que j'ai retrouvée quand j'étais au Pré Catelan. Avec Frédéric Anton, on partait d'un thème, on créait plein de choses, des pâtes de fruits, des jus etc. Et une fois qu'on avait toutes les préparations, on créait nos desserts. D'ailleurs, la pomme en sucre soufflé, qui est un peu mon dessert signature, est née comme ça d'une balade un après-midi à la fête foraine du Bois de Boulogne. Je suis arrivée au restaurant avec une pomme d'amour et Frédéric Anton m'a dit : « Je veux un dessert rond ». Et voilà. Encore aujourd'hui, même si je fais quelques croquis pour guider mon équipe, c'est une fois que j'ai tous les éléments que le dessert se construit. Au final, mon équipe a pris l'habitude depuis deux ans de travailler de cette façon. D'ailleurs ça booste mes collaborateurs qui peuvent chacun apporter quelque chose au dessert.

J'ai toujours mes bases dans mon téléphone. Et je les modifie selon mes envies. Je construis mes desserts comme j'ai appris en apprentissage, comme un cuisinier. Je m'octroie le droit de pouvoir toujours ajouter des choses. Les desserts de pâtissier sont très respectueux des recettes. Une fois qu'ils sont faits on n'y touche plus. Moi j'ai toujours envie d'y retoucher. C'est ce qui fait peut-être ma différence.

«J'ai toujours mes bases dans mon téléphone. Et je les modifie selon mes envies. Je construis mes desserts comme j'ai appris en apprentissage, comme un cuisinier»


Que diriez-vous aux femmes pour les rassurer sur le difficile équilibre vie professionnelle et vie personnelle dans les métiers de l'hôtellerie-restauration ?

Moi, je n'ai jamais voulu sacrifier ni ma vie personnelle et familiale, ni ma vie professionnelle. Lorsque je suis tombée enceinte, Frédéric Anton a compris cela. Comme Guillaume Gomez (1), lorsque je suis arrivée au Palais de l'Elysée. Ils savent que je veux m'épanouir dans ces deux domaines. C'est mon équilibre. Au Pré Catelan, on a aménagé mes horaires et ceux de mon équipe. On a fait une organisation pour le matin et une pour le soir qui a très bien fonctionné. Le restaurant est passé d'un turn over d'un an à un turn over de quatre ans, ce qui est énorme dans le milieu. On avait une autre ambiance au travail, avec des gens beaucoup moins stressés, plus motivés. Aujourd'hui, j'ai du temps pour mon travail et pour ma vie personnelle. Ce que je veux dire aux jeunes femmes, c'est que les temps ont changé. On ne travaille plus 70 ou 80 heures par semaine, c'est fini. C'est un vrai métier de passion, de partage, et de transmission. Et même si les débuts peuvent paraître compliqués, ce sont des métiers dans lesquels on peut vraiment s'épanouir. Ça vaut le coup. Il ne faut pas lâcher. Au Pré Catelan, j'avais parfois huit ou neuf filles dans mon équipe, ce sont des gamines que je continue à suivre encore aujourd'hui. Elles partent dans de grandes maisons, comme chez Anne-Sophie Pic par exemple. Demain, elles seront à des postes très intéressants. Pour moi, c'est important d'aider cette jeune génération. Si moi j'ai réussi, elles le peuvent aussi.

Quelles sont vos sources d'inspiration ?

Je suis passionnée d'art. J'adore Orlinski et ses formes géométriques, Jordane Saget, Kiko pour les souvenir d'enfance. J'adore aussi le graph surtout Zenoy. Je traine pas mal dans les ateliers de mes amis grapheurs, ça me donne des idées. Ma maman était peintre et j'ai grandi au milieu de ses peintures et de ses livres. Je collectionne beaucoup. J'aime l'émotion que dégagent les tableaux. Mon métier, c'est également créer des émotions pour les gens qui goûtent mes desserts. Lorsqu'ils me disent «c'est bon», c'est ma plus belle récompense.

Frédéric Anton, nancéien, MOF et triplement étoilé !

Frédéric Anton est né le 15 octobre 1964 à Nancy. Il apprend la cuisine au lycée hôtelier de Gérardmer (Vosges) et débute sa carrière en 1984 aux côtés de Gérard Veissiere au Capucin Gourmand, célèbre restaurant nancéien. Après avoir fait ses classes auprès de chefs renommés comme Robert Bardot à Lille ou encore Gérard Boyer à Reims, il travaille durant sept ans, aux côtés du Chef Joël Robuchon. En 1997, le groupe Lenôtre lui confie Le Pré Catelan (restaurant style Napoléon III repris par le célèbre pâtissier Gaston Lenôtre avec sa salle à manger « Style Belle Époque » et une des plus jolies terrasses-jardins de Paris, route de Suresnes au cœur du bois de Boulogne). En 1999, il décroche deux étoiles au Guide Michelin, et devient Meilleur ouvrier de France en 2000. En 2007, c'est la consécration à 43 ans, avec Trois étoiles au Guide Michelin.

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