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« Il va devenir de plus en plus important de posséder un large éventail de compétences »

D’après l’édition 2023 des Perspectives de l’Emploi de L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les besoins en compétences vont être sensiblement modifiés par l'intelligence artificielle. Explications avec Julie Lassébie, économiste du marché du travail au sein de la Direction de l'emploi, du travail et des affaires sociales de l’OCDE.

Publié le  11/07/2023

 

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Une compétence, qu’est-ce que c’est ?

Julie Lassébie : Le concept de « compétence » est un concept assez large, qui désigne de façon générale l'aptitude et la capacité à exécuter des processus et à utiliser ses connaissances pour atteindre un objectif. On peut distinguer trois types de compétences : les compétences cognitives, les compétences sociales et émotionnelles, et les compétences pratiques et physiques*. 

 

Les 3 types de compétences

Les compétences cognitives sont un ensemble de stratégies de réflexion qui permettent d'utiliser le langage, les chiffres, le raisonnement et les connaissances acquises. Elles comprennent les capacités de réflexion verbale, non verbale et d'ordre supérieur comme la pensée critique et la pensée créative, mais aussi les compétences d'apprentissage et la capacité à reconnaître ses connaissances, ses compétences, ses attitudes et ses valeurs. 

Les compétences sociales et émotionnelles sont un ensemble de capacités individuelles qui permettent aux individus de se développer et de cultiver leurs relations à la maison, à l'école, au travail et dans la communauté, et d'exercer leurs responsabilités civiques Elles comprennent l'empathie, l'auto-efficacité, le sens des responsabilités et la collaboration. 

Les compétences physiques et pratiques sont un ensemble de capacités à utiliser des outils, des opérations et des fonctions physiques, manipuler des matériaux, des outils, et des équipements. Elles comprennent les compétences manuelles, la capacité à mobiliser ses capacités, y compris la force, la souplesse musculaire et l'endurance, mais aussi la capacité à utiliser les appareils des technologies de l'information et de la communication et les nouvelles machines. 
 

« Des compétences spécialisées en IA seront nécessaires, mais l'évolution des besoins en compétences est beaucoup plus large »


Quels nouveaux besoins de compétences font leur apparition sur le marché du travail à l’échelle internationale ?

J. L. : L’édition 2023 des Perspectives de l’Emploi de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publiée le 11 juillet dernier montre que les besoins en compétences vont être sensiblement modifiés par le développement et l'adoption de l'intelligence artificielle (IA). D’un côté, l’IA et les technologies d’automatisation en général peuvent aujourd’hui reproduire de plus en plus compétences, comme les capacités manuelles et psychomotrices fines, ainsi que certaines compétences cognitives telles que l'expression et la compréhension, et les capacités de planification et de conseil.

D’un autre côté, les compétences requises pour développer et maintenir les systèmes d'IA, ainsi que les compétences nécessaires pour adopter, utiliser et interagir avec les applications d'IA, vont devenir plus importantes. Dans certains cas, des compétences spécialisées en IA seront nécessaires, mais l'évolution des besoins en compétences est beaucoup plus large, et il y aura une demande croissante pour les compétences numériques de base, ainsi que pour des compétences cognitives et sociales. Il va devenir de plus en plus important de posséder un large éventail de compétences.

 

Quels secteurs et quels métiers seront les plus impactés par ces nouveaux besoins ?

J. L. : C'est dans sa capacité à effectuer des tâches cognitives non routinières, telles que le classement d’informations, la mémorisation et la rapidité de perception, que l'IA a fait le plus de progrès. Ces compétences sont particulièrement importantes dans les professions hautement qualifiées, et on considère donc que ces professions sont celles qui sont les plus exposées aux progrès de l'IA. Il s'agit par exemple des professionnels du monde des affaires, des gestionnaires, des directeurs généraux et des professionnels des sciences et de l'ingénierie.

 

« Il est tout à fait possible que l’IA soit utilisée en complément plutôt qu’en remplacement des travailleurs pour effectuer les tâches nécessaires. »


Ces emplois vont-ils disparaître ?

J. L. : Il est tout à fait possible que l’IA soit utilisée en complément plutôt qu’en remplacement des travailleurs pour effectuer les tâches nécessaires. Ce que l’on observe, c’est qu’au cours des dix dernières années, les professions hautement qualifiées ont enregistré les gains les plus importants en matière d'emploi. Cela peut s'expliquer par le fait que l'IA crée de nouvelles tâches et de nouveaux emplois pour les travailleurs qui possèdent les bonnes compétences. Cependant, si l'impact de l'IA sur l'emploi a été limité jusqu'à présent, c'est aussi parce que les taux d'adoption restent relativement faibles ou parce que les entreprises sont réticentes à licencier des travailleurs à court terme et comptent plutôt sur l'attrition naturelle (par exemple, les départs à la retraite et les départs volontaires) pour faire baisser l'emploi.

Les entreprises peuvent également avoir besoin de temps pour mettre en œuvre les nouvelles technologies après leur adoption. Tout effet négatif de l'IA sur l'emploi peut donc prendre du temps à se matérialiser. De plus, les mesures d’exposition à l’IA sont antérieures aux progrès récents de l'IA générative (qui a permis le développement de ChatGPT, par exemple), et il convient donc de les interpréter avec prudence : l'éventail des professions et l'étendue de l'exposition à l'IA pourraient rapidement s'élargir à mesure que l'utilisation de l'IA générative est de plus en plus intégrée dans les processus de production et que de nouveaux systèmes d'IA plus puissants sont mis au point.

 

« Afin de s’assurer que les travailleurs disposent des compétences nécessaires, il est essentiel que les systèmes d'éducation et de formation des adultes s’adaptent rapidement. »


Pourquoi est-il important d’améliorer les systèmes de formation ?

J. L. : D’un côté, il semble que l’IA crée de nouvelles opportunités pour les travailleurs qui possèdent les compétences adéquates. Mais d’un autre côté, l’éventail de compétences que les individus doivent posséder pour tirer parti de l’IA devient de plus en plus large. Afin de s’assurer que les travailleurs disposent des compétences nécessaires, il est essentiel que les systèmes d'éducation et de formation des adultes s’adaptent rapidement. Les actions de formation doivent être développées non seulement à destination des groupes vulnérables - en particulier les travailleurs peu qualifiés et les travailleurs âgés -, pour les aider à s'adapter aux changements que l'IA apportera sur leurs lieux de travail, mais aussi à destination des travailleurs plus qualifiés, notamment pour permettre l’adoption de l’IA.

En effet, bien que les entreprises qui utilisent l'IA indiquent qu'elles proposent des actions de formation à leurs employés, le manque de compétences reste un obstacle majeur à l'adoption de l'IA, ce qui laisse à penser que l’offre de formation existante n’est pas suffisante. Les politiques publiques ont donc un rôle important à jouer, non seulement pour encourager les actions de formation de la part des employeurs, mais aussi pour garantir une approche intégrée du développement des compétences pour l'IA - de la formation initiale à l'apprentissage tout au long de la vie -, et pour promouvoir la diversité de la main-d'œuvre dans le domaine de l'IA.

*OECD (2018), The Future of Education and Skills: Education 2030. Position paper,
http://www.oecd.org/education/2030/E2030%20Position%20Paper%20(05.04.2018).pdf.
 

 

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