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« D’ici 2030, notre secteur doit recruter près de 800 000 personnes »

Plusieurs branches composent le secteur sanitaire et social, parmi lesquelles l’aide à domicile positionnée dans le cadre de l’économie sociale et solidaire (ESS), les services à la personne émanant du secteur privé, ou encore la branche du secteur des particuliers employeurs et de l’emploi à domicile. Nadège Turco, directrice déléguée d’Iperia, plateforme de professionnalisation mandatée par la branche, a accepté de répondre à nos questions sur les besoins en emploi dans la branche, les compétences nécessaires pour l’intégrer et les diverses certifications accessibles.

Publié le  24/04/2024

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Comment l’emploi se porte-t-il dans votre branche ?

Nadège Turco : Nos perspectives d’embauche sont tellement bonnes que nous faisons face à une pénurie de main d’œuvre. D’ici 2030, notre secteur doit recruter près de 800 000 personnes... Pour ce faire, un des défis est d’accéder aux employeurs, le secteur fonctionnant encore beaucoup par petites annonces dans les commerces du coin. C’est la raison pour laquelle nous avons signé, avec différentes directions régionales de France Travail (Hauts-de-France, Réunion, etc.), des conventions, afin de travailler sur la mise en relation. Car si les conseillers France Travail voient bien qui sont nos salariés ou futurs salariés, il n’existe à ce jour aucune base qui recense les employeurs. C’est dans ce contexte que nous avons lancé en octobre 2023, avec la Fédération des particuliers employeurs de France (Fepem), les organisations syndicales de salariés, ou encore le groupe de protection sociale du secteur (Ircem), la plateforme France Emploi domicile.

Les assistants de vie sont au centre de tout : présents tous les jours auprès de la personne dépendante, ils la connaissent bien et peuvent ainsi renseigner les autres sur son état.


De quels métiers votre branche est-elle composée ?

N. T. : Nous intervenons à toutes les étapes de la vie… Parmi les quatre métiers-phares du secteur, deux relèvent de la petite enfance, soit les assistants maternels et la garde d’enfants. Les employés familiaux accompagnent le cadre de vie et les familles et interviennent principalement auprès des actifs ou des retraités non dépendants, et enfin les assistants de vie accompagnent les personnes en perte d’autonomie ou actives mais en situation de handicap. Nous venons de déposer à France Compétences une nouvelle certification portant sur la coordination des intervenants à domicile. Les assistants de vie sont en effet au centre de tout : présents tous les jours auprès de la personne dépendante, ils la connaissent bien et peuvent ainsi renseigner les autres sur son état. Une certification permettrait ainsi de les reconnaître dans ces « nouvelles » activités, mais aussi de permettre à celles et ceux qui le souhaitent d’aller vers cette typologie de compétences et de métier.

Quels profils viennent vers votre branche en deuxième partie de carrière ?

N. T. : Beaucoup viennent des services à la personne, pour compléter leurs revenus, mais pas uniquement. Nous rencontrons aussi des personnes issues, notamment, de la grande distribution et de l’hôtellerie-restauration qui arrêtent intentionnellement leur carrière pour nous rejoindre, souvent pour compléter un emploi en temps partiel. Nous travaillons d’ailleurs avec la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), ainsi qu’avec France Travail, autour du complément d’activité. L’idée est donc de faire venir chez nous, pour un complément d’activité, des personnes qui ne trouvent pas de temps plein dans leur secteur. Et vice-versa. Ce qui permet de les fidéliser dans les deux. Elles pourront toujours, si elles le souhaitent, à terme, basculer dans celui où elles se sentent plus à l’aise.

Quelles compétences vous semblent-elles nécessaires pour exercer ces métiers ?

N. T. : En premier lieu, une très forte autonomie. Lorsqu’on travaille pour des particuliers-employeurs, il n’y a pas de structure, pas de service des ressources humaines, de personnes chargées de la comptabilité, du planning… Il faut donc savoir trouver des employeurs, calculer ses heures, la somme que chacun nous doit, sachant que les salaires ne sont pas forcément les mêmes, vérifier qui a bien payé, etc. Et cette capacité d’autonomie n’est pas donnée à tout le monde.

Être certifié permet de mieux connaître ses droits, notamment en termes de minima salariaux et d’échelons de rémunération.


Identifiez-vous d’autres compétences, communes à tous ces métiers ?

N. T. : C’est une réflexion que nous menons depuis la création de la première certification du secteur, en 1994. Les nombreuses compétences transverses à tous ces métiers sont liées à la relation particulière, directe, entre le particulier-employeur et le salarié. Nous les avons modélisées en trois grands blocs de compétences transverses : la connaissance des droits et devoirs du salarié (convention collective, la communication avec le particulier-employeur dans une relation de « management partagé », etc.), la sécurisation de son domicile, quand on est assistant maternel, ou de celui de l’employeur, à qui il faut expliquer le changement nécessaire, le cas échéant, et enfin l’entretien du domicile, ménage, repassage, cuisine, etc.
Ce sont des activités que tous sont amenés à faire, même si ce n’est pas au cœur de leur métier. J’ajoute, sur le « cœur de métier », que si les tâches à effectuer sont parfois très techniques, nous nous efforçons, dans nos certifications, de les contextualiser aux spécificités du secteur des particuliers-employeurs et de l'emploi à domicile, afin que les salariés soient en mesure de faire preuve d’agilité, d’adaptation permanente, en fonction des demandes, qui peuvent être plus ou moins précises.

Six mois après avoir passé leur certification avec nous, 70% des personnes sont en emploi.


Quels sont les avantages de suivre ces formations et, plus largement, de rejoindre votre branche ?

N. T. : Être certifié permet de développer et faire reconnaître ses compétences, de proposer un accompagnement de qualité et sécurisé en toutes circonstances ou encore de mieux connaître ses droits, notamment en termes de minima salariaux et d’échelons de rémunération. Par exemple, en tant que salariés certifiés sur l’un des trois titres à finalité professionnelle « Assistant de vie dépendance », « Employé familial » ou « Assistant maternel / Garde d’enfants », dont IPERIA est le certificateur et qui sont portés par la branche, sachez que vous pouvez bénéficier d’une bonification obligatoire de 4 à 5% par rapport au minimum salarial. Certaines de nos certifications permettent par ailleurs de se spécialiser, notamment en matière d’accompagnement des enfants atteints d’un trouble du spectre de l’autisme.

Résultat : six mois après avoir passé leur certification avec nous, 70 % des personnes sont en emploi. Le modèle du particulier-employeur est par ailleurs celui qui rémunère le mieux dans le secteur : la négociation se fait en direct, il n’y a pas de frais de structure, pas d’enrichissement du particulier-employeur. Il faut enfin avoir en tête que, dès leur première heure de travail, les salariés de la branche ont accès à 58 heures de formation professionnelle. C’est le seul secteur en France aujourd’hui dans ce cas.

Ces métiers ont-ils beaucoup évolué ces dernières années ? Anticipez-vous d’autres évolutions ?

N. T. : Ils ont évidemment évolué, notamment en matière de « compétences vertes » nécessaires pour l’entretien du cadre de vie. Notre réseau d’organismes de formation labellisés les forme ainsi, entre autres, à sensibiliser leur particulier-employeur sur ces questions.

Nous avons également actualisé nos certifications en matière de compétences numériques : les domiciles seront en effet, à l’avenir, de plus en plus connectés, notamment chez les personnes dépendantes. Cela va changer le métier, le rendre beaucoup plus humain, car les gestes pénibles seront remplacés, ou du moins accompagnés, par des machines, des exosquelettes ou des petits robots. Côté petite enfance, nous avons intégré davantage de choses sur le plan des neurosciences, de l’accompagnement différencié de l’enfant, du soutien à la parentalité.

Enfin, nous constatons que le métier d’employé familial s’oriente de plus en plus sur l’accompagnement des familles, au-delà du ménage… En effet, sans aller jusqu’à la garde d’enfants ces professionnels peuvent aller les chercher à l’école, réceptionner des colis, etc. C’est le métier le moins reconnu, et pourtant il est tout aussi humanisé que les autres. C’est aussi le plus polyvalent de tous, celui qui demande la plus forte capacité d’adaptation.

La branche du secteur des particuliers employeurs et de l’emploi à domicile en chiffres :

  • 3,3 millions d’employeurs (11,4 % des ménages français y ont recours)
  • 1,3 million de salariés, dont 257 760 assistants maternels, 107 180 gardes d’enfants, 547 536 assistants de vie et 348 290 employés familiaux
  • 1,5 milliard d’heures rémunérées
  • Quatre métiers phares : assistant de vie, employé familial, assistant maternel et garde d’enfants
  • Trois titres à finalité professionnelle Ipéria pour préparer ces métiers, enregistrés au Répertoire national des certifications professionnelles
  • Cinq certifications complémentaires Ipéria enregistrées au Répertoire spécifique, structurant la filière