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Tourisme & emploi dans un monde en transition

SEMAINE DE L'EMPLOI ET DES METIERS DU TOURISME. Le tourisme, secteur décrié pour ses conséquences écologiques, n’échappe pas aux questionnements pour tendre vers un monde décarboné. Des initiatives et des réflexions ont cours dans le secteur pour répondre aux enjeux sociaux et économiques de demain : emploi, métiers, accompagnement des professionnels… François de Canson, Président d’ADN Tourisme, nous éclaire.

Publié le  22/03/2024

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En 2022, le Think Tank The Shift Project publiait sa vision prospective sur le voyage bas carbone. Comprendre : comment les Français peuvent-il continuer à voyager tout en baissant les émissions de gaz à effet de serre associées. Une étude intéressante car le tourisme est un secteur économique majeur du pays. Pour mieux comprendre les impacts potentiels de la transition écologique sur l’emploi et les métiers du secteur, nous avons interrogé François de Canson, Président d’ADN Tourisme, la Fédération des acteurs institutionnels du tourisme. 

 

La neutralité carbone en 2050 est un défi énorme. Comment la filière s’organise-t-elle ?  

François de Canson : Elle se mobilise de façon récente mais structurée, car le tourisme fait vivre beaucoup de personnes dans le pays. Planifier est nécessaire pour faire la transition sans heurt. ADN Tourisme a ainsi publié en 2021 son Manifeste pour un tourisme responsable. Nos 1 200 structures adhérentes (12 700 salariés) ont porté cet engagement. Nous avons également publié, en 2023, 4 scénarios prospectifs d’évolution des métiers de nos adhérents. Mais nous ne sommes pas isolés dans notre réflexion : Atout France a proposé son étude prospective sur le tourisme en 2040, l’organisme de compétences OPCO AFDAS publie également des études ciblant les emplois et compétences dans le tourisme. Enfin, citons l’ADEME avec Transition 2050, un travail prospectif plus large mais qui aborde des sujets connexes au tourisme (transport, énergie, société…).
 

Le tourisme en France

 

1ère destination mondiale (75 millions de touristes en 2022)

2 millions d’emplois directs

7,5 % du PIB 

4,2 millions d’embauches en 2023 : directes (tourisme), indirectes (hôtellerie-restauration, animation…)

Sources : Les Échos, France Travail

La décarbonation va entraîner une nouvelle dynamique d’emploi dans le tourisme.


En termes d’emploi, quels seraient les impacts de la décarbonation sur le tourisme ?  

F. d. C. : Il n’existe pas d’études chiffrant les pertes ou gains d’emploi du secteur dans sa globalité (tourisme, hôtellerie-restauration et aérien). En revanche, dans ses scénarios prospectifs, ADN Tourisme a dressé des tendances générales. Ainsi, plusieurs scenarios prévoient une décarbonation importante du tourisme et une plus grande proximité des lieux de départ des Français et des Européens.

Les emplois liés aux transports, notamment moyen et long courrier, seront fortement impactés. Parallèlement, cette demande plus grande de tourisme et de loisirs à proximité de chez soi va générer des emplois supplémentaires (notamment dans l’accueil), ainsi que la nécessité de gérer de nouveaux flux touristiques et de préserver les patrimoines naturels et bâtis de façon accrue. Nous parions également sur une forte hybridation d'activités mêlant tourisme, bien-être, sport, culture et service de proximité. Je pense notamment à certains offices de tourisme qui se transforment en espaces de services pour les populations locales, qu’elles soient permanentes ou de passage. Ce phénomène va entraîner une nouvelle dynamique d’emploi dans le tourisme.
 

Est-ce pour vous la fin du voyage lointain au profit du voyage de proximité ?  

F. d. C. : Non et il ne faut pas opposer les deux. En revanche, ce qui est certain, c’est que nous assistons pour des raisons économiques et durables, mais pas uniquement, à un engouement pour la découverte des territoires à côté de chez soi. ADN Tourisme accompagne dès aujourd’hui ses adhérents pour anticiper cette évolution et notamment son impact sur les métiers.

Par ailleurs, je tiens à signaler deux points importants. Premièrement, d’autres scenarios sont plus conservateurs. Ils prévoient un maintien des flux actuels, avec de légères évolutions liées à une hausse des tarifs de transports, notamment aériens. Deuxièmement, nous parlons des métiers du tourisme, mais l’hôtellerie-restauration déborde de ce cadre. En cas de scénario « dur » (réchauffement important), les conséquences pourraient être très importantes pour ce secteur.
 

Que dit le Shift Project ?

 

Dans son étude Voyager bas carbone de 2022, le Think Tank de la transition carbone se focalise sur la mobilité. C’est la mobilité longue distance en avion (au pétrole) qui est fortement émettrice de gaz à effet de serre. Sa baisse doit être assurée pour tenir les objectifs environnementaux. Mais le voyage peut être soutenu par les mobilités bas carbone (trains, voiture électrique, etc.), l’allongement de la durée des séjours (plusieurs mois), le renforcement du tourisme intra-européen et français. L’offre de tourisme est renouvelée, en intégrant tous les acteurs. Les Offices du tourisme sont en première ligne pour sensibiliser les professionnels sur l’adaptation au changement climatique. 
 

Quelles actions concrètes naissent de vos réflexions ?  

F. d. C. : ADN Tourisme a publié un Guide des démarches de labellisation pour un tourisme responsable, corédigé avec Acteurs du Tourisme Durable. Nous avons également lancé le Challenge des territoires insoupçonnés, qui incite les territoires à commercialiser des offres durables, valorisant les mobilités douces et les interactions avec les habitants. Nous soutenons là des initiatives qui contribuent, par des changements de pratiques, à la décarbonation du secteur. Nos actions ont incité des territoires à s’engager. Ainsi, nos adhérents accompagnent les professionnels volontaires dans la construction de stratégies touristiques à moyen et long terme, et forment les managers en conduite du changement.
 

Nous pensons également que des métiers vont apparaître ou prendre de l’ampleur, notamment en lien avec l’écologie.


Top 5 des métiers du tourisme en 2024

 

  1. Conseiller en séjour
  2. Chargé de communication 
  3. Responsable marketing
  4. Animateur social (en lien avec les professionnels de tourisme locaux)
  5. Directeur de structure

Dans la France de demain, quels seront les métiers du tourisme fortement représentés ?  

F. d. C. : Les missions d’accueil, de conseil et de gestion de sites ou de personnel resteront prégnantes dans notre réseau et pour le tourisme en général. Nous pensons également que des métiers vont apparaître ou prendre de l’ampleur, notamment en lien avec l’écologie. Par exemple les éco-conseillers en séjour, un poste d’existence récente dans notre réseau, qui pourrait monter en puissance. Nous parions également sur des profils très technologiques, qui sauront utiliser l’intelligence artificielle pour générer des contenus adaptés aux visiteurs, mais aussi aux situations météorologiques extrêmes. Enfin, dans un scenario très dirigiste, nous avons imaginé des profils de coordination et d’accompagnement des acteurs du tourisme, pour les aider à adapter leur activité à la réglementation. 

 

Nous aidons les professionnels à faire évoluer leurs offres pour qu’elles soient plus durables et proches des attentes des consommateurs.


Vous parlez de « postes d’avenir en train d’apparaître ». Le tourisme français est-il déjà entré en transition ?   

F. d. C. : Il est un peu tôt pour généraliser, mais on assiste depuis la pandémie à une évolution. La frontière entre le tourisme, « l’excursionnisme » et les loisirs s’est estompée. De nouveaux concepts, apparus au début des années 2010, sont désormais bien ancrés dans le paysage, comme la micro-aventure et le séjour touristique « au coin de la rue » (comme faire un weekend de randonnée en famille dans un coin inexploré de son département). À l’échelon local, les habitants s’expriment davantage sur l’aménagement et le fonctionnement des activités touristiques, car ils souhaitent plus y prendre part. Signe de cette « hybridation » expliquée plus haut, il existe depuis quelques années des offices de tourisme tiers-lieux, mixant le tourisme et les services à la population. Un lieu dédié au tourisme devient un espace local de partage. Enfin, l’offre exponentielle de séjours bas carbone pour les habitants et les voyageurs qui souhaitent parcourir peu de kilomètres est un autre signe de cette transition. 
 

Collaborez-vous avec France Travail sur l’emploi et les métiers du tourisme ?  

F. d. C. : Le réseau d’ADN Tourisme (1 200 structures adhérentes) entretient des liens forts avec les acteurs de l’emploi comme France Travail au niveau territorial, pour aider au recrutement des permanents et saisonniers, pour promouvoir nos métiers. En tant que fédération nationale, ADN Tourisme ne travaille pas directement avec les acteurs de l’emploi, mais elle est partie prenante de l’action de notre OPCO AFDAS, qui collabore régulièrement avec eux et le Ministère du Travail, autour de l’insertion, l’apprentissage, le développement des compétences... De plus, depuis le lancement de la première Semaine des Métiers du Tourisme en 2023, nous avons mis en place plusieurs actions de valorisation des métiers de notre réseau, dont un guide de présentation à destination des jeunes. 
 

En chiffres : la Semaine des métiers du tourisme 2024


 
Du 18 au 24 mars

2ème édition

1 450 actions partout en France (physique et digital)

1 mois d’actions au sein des agences France Travail (jobs-datings, visites d’entreprises, ateliers d’information, restaurants éphémères…)
 

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Des entreprises satisfaites concernant la pertinence des candidats présélectionnés par France Travail. Mesure de la qualité du service rendu aux entreprises sur le volet recrutement au niveau national.

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