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Interview de Sylvain Ducroz, DRH de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP)

Plus de huit millions de patients sont pris en charge par l’AP-HP chaque année. En un temps record, Sylvain Ducroz, directeur des ressources humaines, a dû faire face à l’ampleur du Covid-19 en Ile de France en recrutant en urgence du personnel soignant pour les 39 hôpitaux de l’AP-HP. Il nous apporte son témoignage et les enseignements qu’il en tire en matière de recrutement.

Publié le  19/06/2020

Pouvez-vous nous présenter comment vous avez géré les recrutements pour faire face à l’ampleur de cette crise sanitaire ? 

Après une première étape, fin février, au cours de laquelle nous avons sollicité directement les anciens professionnels de l’AP-HP, nous avons dû, en l’espace de trois jours, revoir complètement notre dispositif.

L’ouverture, au niveau régional, d’une plateforme numérique de mise en relation de volontaires avec les hôpitaux a généré immédiatement un afflux massif de plusieurs milliers de candidatures, qui nous a surpris et presque débordé. Ces candidatures étaient évidemment « spontanées » et motivées par une envie réelle d’aider les hospitaliers. Toutes les bonnes volontés étaient certes les bienvenues, mais nous avions un besoin crucial, centré sur les infirmiers expérimentés en réanimation : nous avons dû mettre sur pied une cellule en charge de faire le tri au sein de ces candidats, afin de vérifier très rapidement leur qualification et leur disponibilité.

Il nous a donc fallu mobiliser des volontaires, tous bénévoles, pour leur confier la sélection, l’appel, l’affectation des candidats les plus opérationnels. Cette plateforme a fonctionné pendant deux mois avec près de 130 volontaires différents, qui ont été capables de transformer 25 000 candidats en plus de 8 000 recrutements dans les services hospitaliers.   Ces volontaires ne connaissaient rien de l’hôpital et de ses métiers, mais leur engagement spontané et leur volonté d’être utile dans cette crise les ont rendus immédiatement opérationnels. Composée de jeunes actifs de tous horizons, provisoirement disponibles du fait du confinement, cette cellule a fonctionné dans un esprit d’émulation interne, lui permettant de répondre, chaque jour, aux besoins nouveaux des hôpitaux.

Au-delà des personnels soignants, la même coordination a permis de traiter les propositions de bénévoles qui ont apporté leur aide en logistique ou à l’accueil : là aussi, près de 20 000 volontaires se sont inscrits, sur l’application Slack, et 1 200 ont effectivement été sollicités.
Grâce à une cellule constituée en quelques jours, encadrée par des référents RH expérimentés de l’AP-HP, nous avons ainsi augmenté nos effectifs de plus de 10% et pu faire face au pic de la crise. 

Cette vague de recrutement s’est accompagnée d’une mobilisation de nos formateurs internes, pour définir et dispenser des sessions très courtes, permettant aux nouveaux arrivants d’acquérir les pré requis indispensables à leur future affectation. Ainsi, en quatre semaines, nous avons formé, sur les bancs de nos instituts de formation initiale exceptionnellement fermés, plus de 4 000 personnes : aux gestes infirmiers (pour les étudiants en médecine), à la réanimation Covid (pour les soignants issus d’autres secteurs), aux prélèvements (pour les équipes mobiles en charge du dépistage)…

La Direction régionale Ile de France de Pôle emploi a mis à votre disposition une plateforme de 48 conseillers et quatre managers pour vous accompagner.  Cette mise à disposition a-t-elle répondu à vos attentes ?

La contribution de Pôle Emploi a été décisive pour nous appuyer et démultiplier l’effort produit pour intégrer tous les renforts qui se sont manifestés sur les plateformes de volontariat. A compter du 2 avril, la participation de Pôle Emploi a permis de contacter 4 300 personnes et de nous faire également bénéficier d’un vivier supplémentaire d’infirmiers, mais aussi de médecins, d’aides-soignants, de techniciens de laboratoires et d’agents polyvalents. 

Ce sont ainsi des centaines de candidatures supplémentaires qui ont pu être adressées à l’AP-HP et qui ont contribué à la gestion de cette crise inédite. 

Les équipes de Pôle Emploi peuvent être fières de cette mobilisation à double titre : parce que sans eux, nous aurions traité moins vite et moins exhaustivement ces volontaires, et que nos ressources pour soigner les malades atteints du Covid en auraient été amoindries ; mais aussi parce qu’elles ont démontré dans l’action le sens de la solidarité institutionnelle en faveur des hôpitaux. Un seul mot : merci ! 

A l’avenir, nous souhaitons capitaliser sur ses relations et mobiliser sur le long terme les équipes de Pôle Emploi pour nous appuyer dans nos démarches de recrutement de professionnels paramédicaux spécialisés.

Quels enseignements tirez-vous de cette crise sanitaire en matière de recrutement ? Que conseillerez-vous à d’autres DRH ?

Elle a constitué un changement de paradigme complet pour nos équipes RH : nos recrutements se font d’habitude presque exclusivement en fin d’études, avec des candidats dont nous sommes sûrs des qualifications, mais pour lesquels nous devons multiplier les arguments d’attractivité RH. Ce sont toujours des process longs, avec des intervenants multiples, et des résultats forcément décevants au vu des énergies déployées.

A l’inverse, du jour au lendemain, l’offre de travail est devenue surabondante et le temps pour les traiter s’est extrêmement resserré ; nous avons dû raccourcir et simplifier au maximum nos process. Nous avons créé des grilles de rémunération spécifiques et forfaitaires, et concentré le travail administratif sur la seule vérification des qualifications, pour garantir un recrutement « en 24 heures chrono ».

En compensation de ces démarches très dématérialisées, nous avons veillé à améliorer la qualité d’accueil dans les services hospitaliers. D’habitude, les soignants s’engageant dans un service ont été cooptés au cours de leurs stages et études : il a fallu remplacer ces temps longs de choix et d’intégration, par un enrôlement rapide au sein du collectif.

Une des leçons est donc de parvenir à doublonner notre organisation de recrutement pour constituer, à côté de nos structures habituelles RH, forcément lourdes avec près de 100 000 collaborateurs, une task force mobilisable en quelques heures, capable de prendre en charge un afflux massif de propositions. Ceci suppose notamment d’être prêt à sous-traiter une partie de ces fonctions de recrutement, lorsque les ressources internes manquent, mais aussi d’être en capacité d’intégrer très vite de nouveaux outils numériques (ceux utilisés par la cellule RH étaient jusque-là inconnus à l’AP-HP).

Dans notre retour d’expérience, nous souhaitons conserver un noyau dur de cette cellule RH, capable de s’adjoindre rapidement des compétences extérieures. Nous avons d’ailleurs recruté une partie des bénévoles qui ont fait fonctionner la cellule et qui n’avaient jusqu’alors aucune expérience RH, ni hospitalière. Pour convaincre, les connaissances techniques du recruteur pèsent finalement bien moins que son engagement pour l’institution et que son empathie pour les candidats.
 

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