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Un levier de compétitivité négligé : la qualité de vie au travail

Publié le  22/06/2017

Trop souvent délaissée dans la réflexion sur la compétitivité, la qualité de vie au travail (QVT) peut non seulement contribuer au bien-être des salariés, mais permettre aux entreprises de monter en gamme, d’accélérer leur transition numérique et de s’affirmer dans la conquête de nouveaux marchés. L'éclairage d’Émilie Bourdu, cheffe de projet à la Fabrique de l’Industrie, et co-auteure avec Martin Richer (Terra Nova) et Marie-Madeleine Pérétié (ANACT) d’une étude qui tend à réhabiliter la QVT comme vecteur de performance.

La QVT est rarement appréhendée comme levier de compétitivité. Pour quelles raisons selon vous ?

Il est vrai que le débat sur la compétitivité, en France, a tendance à se focaliser sur la réduction des coûts (travail, énergie, capital…), et lorsqu'est abordée la question de la compétitivité hors coûts, ce sont généralement l’innovation, les infrastructures et la formation qui retiennent l’attention. La QVT fait figure de parent pauvre. Certains y voient un sujet certes sympathique, mais renvoyant davantage aux plantes vertes et aux massages qu’à l’organisation du travail. À cela s’ajoute le fait que dans un contexte de chômage de masse, l’emploi a été érigé en priorité et la QVT souvent reléguée au second plan. Reste enfin cette difficulté à établir une relation directe, mesurable chiffres à l’appui, entre QVT et performance.

On parle parfois de bien-être ou de bonheur au travail… Pourquoi avoir retenu la notion de QVT et en quoi représente-t-elle quelque chose de différent ?

La première raison de ce choix tient au fait que les partenaires sociaux, qui ont longtemps parlé de « conditions de travail », se sont approprié la notion et en ont fait l’un des axes de l’Accord national interprofessionnel (ANI) de 2013. Il y a de plus une justification scientifique à l’emploi de la notion, celle-ci ayant fait l’objet depuis les années 1970 de nombreux travaux universitaires. Ce que suggère la QVT, c’est que les salariés n’attendent pas des entreprises qu’elles fassent leur bonheur. La QVT est à la fois plus ciblée et plus modeste dans ses ambitions. Elle recouvre à la fois l’environnement de travail, la qualité des relations de travail et du dialogue social, l’information diffusée aux salariés, la possibilité qui leur est donnée de s’accomplir dans leur travail, celle de concilier vie professionnelle et vie privée, ou encore le respect de l’égalité hommes-femmes. Autant de leviers qui, centrés sur le travail et son organisation, peuvent influer sur l’engagement des salariés et avoir des effets bénéfiques en termes de productivité et de performance.

Avez-vous constaté des traits communs dans la façon qu’ont aujourd’hui les entreprises d’aborder la QVT ?

Nous avons, pour réaliser cette étude, auditionné une dizaine d’entreprises très différentes tant par leurs tailles que par leurs activités. À côté de géants de l’industrie comme Airbus, Valeo ou Michelin, on trouve de jeunes entreprises du numérique comme BlaBlaCar ou Booking. Mais elles ont ceci de commun que toutes, au cours des dernières années, ont cherché à donner davantage d’autonomie à leurs collaborateurs. Cette notion d’autonomie est centrale dans la réflexion sur la QVT. Cela nous a conduits à élaborer une typologie à trois niveaux, permettant de distinguer différents degrés d’autonomie. Le premier niveau est celui de l’individu libre de définir par lui-même les moyens d’atteindre les objectifs qui lui sont fixés : choix des méthodes, rythme et séquencement des tâches sont de son ressort. Le second niveau est celui du collectif : il s’agit de la capacité donnée aux individus de prendre part à certaines décisions concernant l’organisation du travail dans l’équipe à laquelle ils sont rattachés. Cela peut aller jusqu’à la possibilité d’émettre des avis concernant le recrutement de nouveaux collaborateurs. Le troisième et dernier niveau est celui de la gouvernance, au travers de la possibilité donnée aux salariés, via des instances représentatives, de participer aux décisions stratégiques de l’entreprise. Certaines entreprises combinent ces trois niveaux d’autonomie, d’autres le premier et le second, d’autres enfin ne mettent l’accent que sur le troisième.

Reste cette épineuse question : en quoi la QVT est-elle un levier de compétitivité ?

Elle l’est à plusieurs titres. La QVT est d’abord un facteur d’attractivité particulièrement utile dans le recrutement de profils rares et recherchés. C’est aussi la garantie d’un engagement plus grand de la part des salariés, et l’assurance pour l’entreprise de tirer pleinement parti du capital humain dont elle dispose. C’est enfin un moyen, en limitant les tâches répétitives, de permettre grâce aux technologies numériques un renforcement des compétences et la montée en gamme de l’industrie française. La QVT a toute sa place dans l’usine du futur. Elle en est même un des éléments moteurs.

La qualité de vie au travail : un levier de compétitivité – Refonder les organisations de travail, octobre 2016

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