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Diversité dans la tech : E-mma casse les codes

La tech, une affaire d’hommes ? Pas pour Dipty CHANDER, Présidente de l’association E-MMA et développeuse pour l'Ecole pour l'informatique et les nouvelles technologies. A la tête de l’association qui depuis dix ans lutte pour la diversité dans les métiers informatiques, elle poursuit son combat en faveur de la mixité dans la tech. Rencontre avec une passionnée qui fait bouger les lignes.

Publié le  27/01/2023

 

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Vous êtes depuis sept ans à la tête de l’association E-mma, créée en 2013 au sein de l'Ecole pour l'informatique et les nouvelles technologies (Epitech). Quelle est sa vocation ?

Dipty Chander : Née du constat simple que les femmes étaient trop rares dans la tech, E-mma s’est engagée en faveur de la mixité et de la diversité dans les écoles informatiques, pour permettre à tous les publics, féminins et masculins en situation de handicap, en difficultés socio-culturelles ou en proie à la fracture numérique, d’accéder plus facilement à ces métiers.

Depuis sa création, E-mma s’est déployée et compte aujourd’hui 16 antennes en Europe, où ses équipes portent ses valeurs au quotidien à travers une variété de programmes, d’actions et d’événements. En France, nous intervenons naturellement chez Epitech, et également dans nombre d’écoles et de lycées, sur des salons tels que Vivatech ou lors de grands rendez-vous comme la Semaine des métiers du numérique organisée par Pôle emploi. 

 

Comment se déclinent les différents programmes de l’association ?

D.C. : E-mma se décline suivant trois programmes, parmi lesquels #CodeAtHome, qui donne l’opportunité de découvrir la programmation. Accessibles en français et en anglais, ce programme propose différents ateliers virtuels qui permettent aux enfants et aux adolescents partout dans le monde, quels que soient leurs origines et leur milieu, d’apprendre à coder gratuitement.

Pourquoi gratuitement ? Pour que la notion d’argent ne soit pas un frein… il y en a déjà suffisamment dans la tech ! Dans cette veine, nous proposons également Inspire, un programme mondial qui vise à offrir au plus large public du mentorat via des conférences, des échanges techniques et des événements de réseautage. L’objectif du programme E-mma’Kathon est de débattre avec les étudiants de l’aspect sociétal de la technologie en environnement inclusif et apprenant. 

 

Comment est né votre engagement ?

D.C. : Mon engagement a commencé bien avant de voir des promos de 500 étudiants comptant une poignée de filles… Au lycée, je n’avais qu’une chose en tête : exercer un métier qui me permettrait de travailler sur un ordinateur, et surtout, d’en comprendre le fonctionnement, j’y croyais dur comme fer ! Cette ambition a été stoppée net lors d’un échange avec ma conseillère d’orientation, qui, me rappelant que les métiers de l’informatique étaient très peu ouverts aux femmes, m’a invitée à prendre une autre voie.

J’ai vécu ça comme un coup de tonnerre. À l’époque, le fait que je sois une femme ou que je n’aie pas les moyens n’était pas une contrainte pour moi. Aujourd’hui, avec le recul, je me dis « tant mieux ». Sans cela, j’aurais certes gardé ma détermination, mais je ne me serais peut-être pas autant engagée pour tenter de faire bouger les lignes. 

 

Pourquoi la tech reste majoritairement un monde d’hommes ?

D.C. : Si les inégalités femmes/hommes persistent, c’est qu’il existe encore une forte méconnaissance des métiers du secteur par les élèves eux-mêmes, et des préjugés de la part des entreprises sur l’énorme potentiel de la diversité. Pourtant, la tech est partout, tout le monde l’utilise au quotidien. L’informatique touche tous les corps de métiers : la cybersécurité, la data, la santé, la banque… tous les domaines qui gravitent autour de nous passent par la tech. A ce titre, et dans un contexte de pénurie de talents, autant miser sur des software ingénieures, des développeuses. De cette complémentarité de compétences entre femmes et hommes naîtra une véritable richesse pour créer les produits de demain. 

Lire aussi : Formation au numérique : 3 questions à Aurélie Jean, fondatrice de In Silico Veritas et co-fondatrice de DPEEX 

 

Quelles mesures ou actions globales pourraient accélérer les choses ?

D.C. : Prenons le cas de l’enseignement : les maths, on en fait toute la semaine à l’école. L’anglais, l’histoire, les sciences, on les pratique tous les jours. Selon moi, les matières autour de la tech mériteraient la même attention, elles devraient être l’objet d’un programme scolaire à part entière qui permette de les pratiquer au quotidien. Si les élèves pouvaient concrètement se projeter dans ces métiers, le manque de diversité serait peut-être moindre. Aujourd’hui, un médecin, un boulanger… chacun peut en définir l’activité.

C’est bien moins évident pour les métiers de la tech. On pourrait donc imaginer la création d’une matière accessible à tous, et pas un luxe que l’on doive s’offrir. Communiquer autour de cette problématique est une première étape, mais ça ne suffit pas. Il est grand temps de développer des programmes collectifs concrets qui contribuent à la réussite de tous.  

Lire aussi : Pôle emploi @VivaTech : l’innovation numérique au service de l’emploi

 

Comment sensibilisez-vous les acteurs de la tech à la diversité ?

D.C. : Dans le cadre de #CodeAtHome, par exemple, les entreprises partenaires d’E-mma peuvent faire profiter les enfants de ce programme afin qu’ils deviennent à leur tour prescripteurs et garants que l’on peut tous réussir dans la tech. L’idée étant : « Si mon enfant réussit, pourquoi pas un autre ? ». Inspire prend le relais, avec des collaborateurs qui viennent présenter leur parcours à des enfants, des ados et des adultes. D’un point de vue recrutement, ces « rôles modèles » sont ainsi sensibilisés, plus ouverts à la diversité, à même de partager leur expérience lors de conférences, de recruter des profils nouveaux et de développer des valeurs d’inclusion. 

 

« Je voulais faire de la tech pour que d’autres puissent en faire. »


E-mma a été lauréate de l’appel à projets de la fondation Femmes@Numériques. De quoi s’agit-il ?

D.C. : Nous avions travaillé initialement avec Epitech sur une enquête Ipsos auprès de lycéens pour comprendre le déficit d’orientation vers les métiers de l’informatique, leurs attraits, leurs points de blocage, etc. L’appel à projet de la fondation Femmes@Numérique - qui fait la promotion de l’attractivité des filières numériques auprès des femmes dans l’enseignement secondaire et supérieur -, a été l’occasion de sonder les étudiants de l’école, notamment les filles, sur les freins rencontrés. Les résultats, qui reflètent notre conviction qu’il faut intervenir dès le plus jeune âge, seront prochainement dévoilés.

Ce projet conjoint reposait sur les 15 campus d'Epitech comme sources d’initiatives en faveur de l’attractivité des filières du numérique pour les femmes et les hommes. Notre ambition est de diffuser les actions concluantes et les bonnes pratiques au sein de l'écosystème numérique et auprès de l'enseignement supérieur public et privé en France.

 

Vous avez 28 ans et Forbes vous a classée parmi les 92 femmes à suivre dans la disruption par la technologie en France. Preuve que le combat a porté ses fruits ?

D.C. : Cela va vous faire rire, mais je ne savais même pas que je faisais partie de ce classement ! Ce sont les réseaux sociaux qui m’ont avertie. Certes, j’y vois une reconnaissance du travail accompli. Toutefois, je me dis que le chemin est encore très long. Moi, mon souhait, serait que l’on reconnaisse enfin le potentiel des femmes dans la tech. C’est alors que je me dirai que le combat a réellement porté ses fruits. 

 

Quel message souhaitez-vous adresser aux jeunes ?

D.C. : Je porte le même message depuis les débuts, peut-être parce que je l’ai vécu : il n’y a pas besoin d’avoir un parcours solide dans la tech, d’avoir des parents ingénieurs ou d’avoir les moyens de se payer une grande école pour travailler dans la tech. Il faut juste se dire : peu importe les obstacles, j’avance. Le chemin ne sera pas rectiligne, ce sera sinueux, mais je vais y arriver. Il ne faut surtout pas lâcher cette détermination.

Personnellement, j’aurais pu renoncer dès le lycée, mais je me serais orientée vers un métier dans lequel j’aurais été malheureuse. Aujourd’hui, je me lève chaque matin en considérant mon métier non comme un travail, mais comme une passion. Je ne me fatigue pas, parce que je suis au bon endroit. Et ça, ça mérite d’oublier tous les bâtons qu’on nous a mis dans les roues !   

 

… et auprès des acteurs de la tech ?

D.C. : Il est impératif de tendre vers une vraie politique de diversité et d’inclusion au sein de leurs structures. À la fois pour eux, mais aussi pour fidéliser leurs collaborateurs, qui sont de plus en plus attentifs aux engagements de leur entreprise. Une politique de bienveillance accompagnée par les associations est essentielle. Ces dernières peuvent soutenir et accompagner les entreprises à déployer des actions concrètes. In fine, les acteurs de la tech seront surpris des profils incroyables qu’ils pourront recruter. C’est un engagement qui doit être collectif, politique et global.

A écouter : Les femmes au cœur de la tech

 

E-MMA en chiffres

 

130 000 enfants et adultes formés au code depuis 2013
500 événements par an
16 antennes 
500 membres en Europe
1 million d’enfants dans le monde susceptibles d’être formés au code par l’association E-mma grâce à la deuxième version du programme #CodeAtHome bientôt disponible. 


 

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